Burn out

La reconstruction après le burn out (partie II)

Fondatrice du Réseau RPBO rassemblant des experts pluridisciplinaires labélisés sur la Matrice RPBO©, elle transfert aujourd’hui ses compétences aux professionnels des Services de Santé au Travail (Médecins, psychiatres, psychologues du travail…)  et certifie les professionnels de l’accompagnement (DRH, responsable formation, consultants bilan de compétences, thérapeutes, psychologues…) pour garantir un niveau de qualité et d’éthique haut de gamme à ces professionnels souhaitant renforcer leur expertise méthodologique autour de l’accompagnement des crises identitaires liées au travail.

I. Les choix des salariés pour se remettre du burn out

Durant de longues semaines, les choix sont difficiles et incertains. Ils savent ce qu’ils ne veulent plus, mais ne savent pas encore ce qu’ils veulent. A condition que le salarié soit en capacité de prendre du recul, on s’aperçoit que ce sont les choix personnels qui priment sur les choix professionnels. Si les deux s’accordent, c’est l’idéal ! Dans le cas contraire, la lutte entre l’idéal et le principe de réalité est douloureux. Mais quand ils arrivent à refaire des choix, des activités s’en suivent et il arrive qu’ils se découvrent de nouveaux talents, de nouveaux intérêts et de nouvelles motivations plus en adéquation avec leurs valeurs profondes. Ce sont ces choix qui porteront leurs fruits et les attireront vers d’autres fonctions ou tout simplement à revoir leur façon d’être au travail et de porter un nouveau regard sur lui. On dit en sociologie du travail que la centralité du travail s’est déplacée, c'est-à-dire que ce dernier n’occupera plus désormais la même place dans sa vie. Le salarié prend acte de ce qu’il a vécu et décide radicalement de revoir son « mode à l’emploi ». Dans l’enquête que j’ai menée sur la reconstruction post burnout en partenariat avec Dauphine et l’Anact, j’ai identifié 3 types de parcours résilients : les « Artistes… incompris », les « Ambitieux… désenchantés » et les « Funambules… en équilibre » (dont vous retrouverez le panorama détaillé dans le livre « Se reconstruire après un burnout : les chemins de la résilience professionnelle » InterEditions, 2013, Nouvelle Edition complétée en 2015).

A. Les « Ambitieux… désenchantés »

Ce sont ceux qui s’en sortent le mieux.

  • Ils renégocient leur rapport-au-travail et surtout leur rapport aux temps-du-travail : ils choisissent le temps partiel, (4/5ème le plus souvent, mais parfois 3/5ème pour avoir une autre vie en dehors du travail), femme ou homme, avec ou sans enfant, qui choisissent de s’investir autant mais en diversifiant leurs centres d’intérêts. Le rééquilibre des temps sociaux ou le temps partiel sont leur choix de vie, et ne sont pas vécu comme un renoncement. Ils restaurent leur vie personnelle /vie professionnelle et surtout ne courent plus après la reconnaissance dans le travail.
  • Ils restent de très bons éléments au bureau, mais ne postulent plus aux postes à responsabilités en internes, et refusent les promotions ou les projets transverses complexes qui les motivaient énormément auparavant et sur lesquels ils sont très compétents.
  • Ils s’affirment et se protègent en disant « non ». Ils renoncent au « trop », pour dire oui au « mieux ». Ils rendent toujours un travail de qualité, et inscrivent un peu de qualité de vie dans leur travail.

B. Les « Artistes… Incompris »

Ils semblent très heureux durant leur phase de reconstruction. Ils ont même une multitude de projets personnels dans un premier temps (voyager, décorer ou retaper une maison de famille, déménager en province, jouer au théâtre, apprendre à faire des massages…), puis professionnels de reconversion totale dans un second temps (devenir artisan, ouvrir un gîte rural, un salon de massage, un salon de thé, devenir sophrologue et même devenir coach…) pour au final s’éloigner radicalement de leurs anciens repères professionnels … et du marché de l’emploi, mettant en danger la sécurisation de leur parcours professionnel. Ceux qui réussissent leur reconversion acceptent les gros sacrifices de salaires (divisé souvent par 3 et durablement) et perdent définitivement leur « héritage » professionnel passé pour accéder à une toute nouvelle vie dont ils ne maitrisent pas encore les tenants et les aboutissants. Le choc et le principe de réalité sont parfois douloureux s’ils échouent, car le monde du travail ne les attend plus sur leurs anciens jobs après les années passées. En modélisant la réussite de ces profils, on trouve toujours dans leur passé, une orientation contrariée (scolaire, professionnelle ou accident de santé) que l’épreuve du burnout aura fait exploser au grand jour pour leur plus grande libération. Cependant, ils n’ont simplement plus droit à l’erreur et ne peuvent plus revenir en arrière.

C. Les « Funambules … en équilibre »

Ils retournent très rapidement au travail sans avoir réellement pris de mesure radicale et rechutent assez rapidement dans les 6 mois à un an. Ils restent aveuglés par leur importance d’être « par » et « au » travail et n’ont pas pris la juste mesure en y retournant ; sans changer leurs conditions d’investissement. Ces profils sont souvent issus des cabinets de conseils, des professions libérales, indépendantes, telles qu’artisans, dirigeants ou toute autre personne étant à la tête de son entreprise. Leur chambre d’hôpital devient alors rapidement l’annexe de leur bureau avec tous les risques de rechute que cela implique sur leur santé et sur leur entourage (conséquence économique si fermeture en cas de rechute, de maladie grave ou de décès).

D. Des rechutes ?

Les cas de rechute représentent un peu moins d’1/4 selon mon enquête. Les profils 1 et 2 sont « immunisés » contre le burnout. Je suis beaucoup plus inquiète pour les profils 3 qui rechutent et qui installent une fragilité chez eux de façon durable et pernicieuse.  Ces derniers ont vraiment intérêt à prendre du recul et faire un break ou risque de voir la vie le décider radicalement à leur place.
Dès que le salarié sent qu’il rechute, il doit voir le médecin du travail et alerter son manager ou ses RH. Son burnout l’a fragilisé et la rechute signifie tout simplement qu’il n’est pas remis. C’est dans ces cas de rechute qu’on mesure bien la spécificité du burnout et pourquoi médicalement il est rattaché aux « troubles de l’adaptation » : il se manifeste à distance des stimuli stressants et parfois 3 à 6 mois après. Bref, il couve si les conditions de reconstruction n’ont pas été respectées et si le salarié n’a pas changé les 3 ou 4 critères que je conseille vivement à mes clients. Le burnout ne se laisse pas « apprivoiser » comme ça lorsqu’il est en place chez le salarié. Pire, l’approche systémique nous démontre qu’il atteint par capillarité les autres sphères de sa vie et déstabilise tout son équilibre de vie. Ce qui, par conséquent, fait dire à certains managers et DRH que le salarié avait des soucis d’ordre personnels en parallèle. Et c’est tout à faire vrai dans les cas de rechute. Entremêlées, les causes et les conséquences du burnout font tourner tout le monde en bourrique dans les entreprises.

II. En entreprise

A. Ce qui change après le burn out

La vie de l’entreprise ne change pas en l’absence du salarié, elle se poursuit. Souvent elle se radicalise même dans les conditions de travail malgré les actions de prévention. Le courage de certains managers est cependant à souligner quand ils osent dire « stop » aux cadences infernales et aux absurdités de certaines réorganisations en l’absence d’une main d’œuvre non remplacée. Le manager agit comme il peut/veut sur son équipe avec des actions de prévention imposées par la loi, qui alertent le collectif, mais ne protègent pas toujours au final le salarié déjà en souffrance. Les délais et les retours des actions de prévention se mesurent sur le long terme (1 à 2 ans) et privilégient le collectif.
Par contre, la vie en entreprise pour le salarié change irrémédiablement et c’est là, la grande différence. C’est dans le déplacement de cette « centralité du travail » que le salarié va pouvoir se reconstruire. Lorsque j’accompagne les entreprises et les salariés, j’insiste beaucoup sur cette centralité. Où la situent-ils ? Pourquoi ? Quelles seront les impacts ? Quels seront les bénéfices ? Quels enjeux, pour eux (leur bien-être, leur qualité de vie au travail) et pour l’entreprise (leurs GPEC, leurs évolutions internes…). Sont-ils prêts à dessiner la même cartographie de leur avenir collaboratif ? C’est l’heure des choix et de savoir bien décider ensemble pour oser être heureux.
C’est aussi bien au salarié de se connaitre (bilan sur soi) qu’aux managers d’assurer un co-pilotage du projet de reconstruction(où allons-nous ensemble ?). Et ce n’est pas facile pour ces derniers, car ce n’est pas leur métier que de pallier aux manquements des équipes RH. La relation tripartite est une condition incontournable de réussite. Celle-ci garantit, avec l’appui du médecin du travail, la consolidation du projet de reconstruction, qui n’est certes pas difficile en soi, mais qui demande doigté RH et fait partie du portefeuille de compétences des dispositifs d’accompagnement auquel les Responsables du Développement des RH dignes de ce nom sont normalement formés. Les résultats sont visibles après un à trois ans seulement et la condition de maturation dépend de l’engagement de toutes les parties (y compris celle du salarié qui ne doit pas attendre, ni se laisser porter…)

B. Le problème de la surmédiatisation du burn out

Ce qui me frappe le plus aujourd’hui c’est que la surmédiatisation faite autour du burnout depuis 2012 n’a fait qu’exploser le phénomène socialement au lieu de l’enrayer, alors que les entreprises étaient déjà en ligne de mire avec les accords sur le harcèlement et la violence au travail. Ce débat sur la reconnaissance du burnout comme maladie professionnelle est venu se rajouter à une cacophonie autour du bilan des accords et des actions de prévention collective déjà engagées, entremêlant Politiques de Santé Publique et GPEC sur fond de prise en charge financière des arrêts maladies.
Ce qui me frappe aussi c’est que malgré le marché florissant du stress et de la souffrance au travail dont s’emparent tous les cabinets de conseil, (les salariés n’ont jamais été aussi bien informés), les chiffres ne cessent de croitre ! La courbe ne s’inverse pas ! Ironie de notre triste sort français, nos cousins canadiens nous envient même la qualité de nos études et enquêtes sur le stress au travail alors qu’ils avaient la réputation d’être plutôt en avance sur ces sujets RH. Que faisons-nous donc de nos résultats si alarmants, si pessimistes ? A quoi/qui servent-ils ? Quelle cause dénoncent-ils ? Que deviennent sur le terrain les préconisations des audits et rapports ? Qui a réellement envie que ça change ?
Et pourtant, les choses avancent, bien que le phénomène se complexifie dans chaque entreprise. Les avocats en droit ont un rôle d’éclaireur social très bénéfique, selon moi, car la jurisprudence est prolixe en matière de RPS et permet de nourrir les réflexions autour de la sensibilisation.
Nos entreprises génèreront encore du burnout comme elles génèreront encore du stress dans les années à venir, mais rappelons que le travail restera un facteur d’interaction, d’insertion, de promotion et de protection sociale. Il n’y a qu’à regarder ce qui se passe du côté des demandeurs d’emploi pour se rendre compte que le travail est un facteur protecteur de l’identité.

C’est sur ce dernier point que j’insiste auprès de mes clients entreprises et salariés. Je les sensibilise autour des nombreux facteurs protecteurs du travail qu’ils doivent apprendre à déceler chez eux et savoir décrypter dans leur environnement au bout de 10 séances de travail. Le schéma directeur de l’accompagnement s’appuie sur les résultats de mes recherches (modélisation des parcours reconstruits à l’aide de la matrice RPBO©). Avec une formation de base, les utilisateurs de la matrice RPBO© (qu’ils soient salarié ou Responsable des Carrières) sauront, dans un premier temps dessiner la cartographie puis, dans un second temps élaborer ensemble un schéma directeur de reconstruction durable. Cette approche les sensibilise autour du potentiel humain qu’on a trop souvent tendance à délaisser au profit des compétences. Bref, je les sensibilise autour du travailler « autrement » ensemble.

C. La responsabilité du burn out

Au regard des cas que je traite de façon systémique, je considère toujours la relation comme paritaire avec une coresponsabilité impliquante. L’entreprise et le statut de salarié ne dédouanent quiconque de sa responsabilité, ni de son bon sens. Nous sommes tous responsables : responsable de la pression que je mets sur mes collaborateurs, responsable du contrôle et de l’évaluation que je fais du travail d’autrui, responsable de la non-assistance à personne en danger quand mon collègue me confie qu’il pense au suicide, responsable enfin de mes non-dits en cas avérés de harcèlement dans mon entreprise…
Lorsque les salariés en souffrance viennent me voir, l’employeur revêt toujours dans leur discours plusieurs visages : c’est le manager de proximité qui met trop de pression, c’est le N+1 qui contrôle comme un « capo » ou encore le N+2 basé dans un pays étranger qui exige un reporting sans avoir le temps de s’attarder sur les différences culturelles. Mais c’est rarement le RH ou la DG que les salariés incriminent directement. Ils portent surtout l’accusation sur les relations de proximité où se trouve le nœud du conflit souvent. Le réflexe d’alerter les RH n’est pas le premier, mais au contraire le dernier recours. Ce qui est dommageable pour tous car lorsqu’on interroge les RH, celles-ci auraient aimé être informées plus tôt des difficultés du salarié. Malheureusement, trop souvent encore, et dans de nombreux établissements, leur réputation empêche les salariés d’oser entamer la conversation avec elles sur ces sujets.  Alors que lorsqu’elles sont alertées, la majorité des RH ou de la DG entament une enquête dans les plus brefs délais pour aller enquêter, puis arbitrer ensuite et ainsi faire respecter l’ordre et la loi dans leur établissement.

La notion de responsabilité, n’a pas la même symbolique pour un salarié en souffrance que pour un juriste en droit social. La notion de responsabilité en matière de résultat est du ressort de la loi et il incombe à l’employeur de la faire respecter, certes, mais c’est une notion juridique complexe à faire appliquer car les facteurs sont multiples et que la jurisprudence fait évoluer chaque mois avec de nouveaux cas problématiques. Elle a le mérite cependant, d’être indispensable, nécessaire et est utile pour indiquer la bonne direction des actions de prévention. Ensuite, elle en indique les priorités, les axes et oblige à la surveillance des résultats. Leurs évaluations en cas de manquement à l’obligation de sécurité reviennent aux tribunaux.

Conclusion :

Le burnout n’est pas une fatalité ! Une reconstruction réussie est bel et bien un accélérateur de carrière même ! Mes clients et mes stagiaires ont plein d’exemples à donner. Le travail de prise de recul grâce à la méthode d’accompagnement RPBO© que j’utilise, transforme cette contrainte en opportunité afin de permettre au salarié de voir plus loin encore ! C’est ce que j’illustre dans mes séminaires avec ce passage au-delà du Seuil de l’Ethos ( http://www.rpbo.fr )
Le plus difficile pour les victimes est d’accepter d’être révélées par une épreuve qu’elles vivent trop comme un « chagrin d’honneur ». Avec une bonne prise de recul, elles peuvent découvrir qu’il s’agissait juste d’une étape pour découvrir leurs valeurs profondes et tisser un nouveau partenariat « win-win » avec leurs talents sacrifiés sur l’autel du burnout et de sa médiatisation! Reconquérir son ethos au travail, le dépasser, le préserver et le maintenir sont les véritables enjeux du « bien-naitre » au travail. Rien d’extraordinaire au fond ! Ces valeurs expriment juste la fidélité et la loyauté envers soi-même ! Des valeurs qu’on espèrerait toujours trouver dans l’entreprise idéale de demain… Mais pourquoi ne pas les honorer déjà en soi pour commencer et en faire bénéficier les entreprises ensuite dans une logique « intelligent-reconnaissant» ?