Rupture conventionnelle

Faire une demande de rupture conventionnelle par écrit, est-ce une erreur ?

Vous souhaitez demander une rupture conventionnelle à votre employeur. Comment vous y prenez-vous? Avez-vous l'automatisme de rédiger un écrit? Et si la demande oral était à privilégier?  Maitre DANJOU vous éclaire sur ces questions?

Maître Fabien DANJOU est avocat au Barreau de Montpellier depuis 2007 et exerce  la profession d'avocat dans le domaine du droit du travail.
Il a travaillé dans différents cabinets d'avocat partenaires des principaux syndicats de salariés et plaide au quotidien devant les Conseil de Prud'hommes et les Cours d'appel, aux intérêts des salariés.

1. Comment formuler une demande de rupture conventionnelle?

A. QUELLE SONT LES CONDITIONS DE FORME

Il n'existe aucune conditions de forme pour solliciter une rupture conventionnelle.

La rupture doit uniquement faire l'objet d'un entretien.

L'article L 1237-12 du Code du Travail prévoit :
Les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister.

Le seul formalisme est donc la tenue d'un entretien qui peut être unique et au cours duquel il est possible de signer la rupture conventionnelle.
Le salarié peut se faire assister lors de cet entretien par un représentant du personnel si l'entreprise en dispose, ou par un conseiller du salarié, inscrit sur la liste préfectorale des conseillers habilités à assister les salariés, notamment lors des entretiens préalables au licenciement.

En pratique, la demande pourra donc être verbale ou écrite et par la suite l'employeur prévoira généralement un ou deux entretiens.

B. QUELS ELEMENTS SONT A PRECISER ?

Il n'y a pas d’éléments à préciser obligatoirement.

La rupture conventionnelle est un contrat entre le salarié et l'employeur, dont les modalités font l'objet d'une libre négociation.

Il peut être  utile de préciser les conditions financières souhaitées, la date de départ envisagée, pour débuter la négociation ou éviter de rentrer dans le processus de mise en place de la rupture, pour finalement s'apercevoir que l'on ne pourra pas se mettre d'accord.

2. Quelle forme doit prendre la demande?

A. FAUT-IL PRIVILEGIER L'ECRIT OU L'ORAL

Privilégier une demande orale ou écrite dépend de la situation de chacun.

En effet, une demande orale ne ménage pas de preuve de la demande, ce qui peut être un avantage.
Parfois, suite à un refus de rupture conventionnelle la situation se détériore et débouche sur un licenciement, notamment pour faute grave, privatif de l'indemnité de licenciement et de préavis.

Si le salarié conteste ensuite ce licenciement devant le Conseil de Prud'hommes, il n'a pas  toujours intérêt à ce que l'employeur mette en avant au cours de la procédure, sa volonté de quitter l'entreprise quelques mois auparavant.

Cela peut parfois être analysé par le Conseil de Prud'hommes comme une démotivation du salarié, qui viendrait appuyer le motif du licenciement prononcé ensuite.

Par contre, une demande écrite permet de pousser l'employeur à se positionner et à donner une réponse positive ou négative, dans le cas d'un employeur qui volontairement ne voudrait pas donner de réponse.
Il est donc plus judicieux de commencer par une demande verbale et utiliser l'écrit avec précaution.

Enfin, en cas de demande de rupture conventionnelle qui serait motivée par des manquements de l'employeur, il est plus judicieux d'envisager un autre solution que la rupture conventionnelle (résiliation judiciaire, prise d'acte, licenciement pour inaptitude).

Si vous voulez vraiment utiliser ce mode de rupture, il  n'est alors pas inutile de motiver son courrier de demande au regard de ces manquements, ce qui pourra éventuellement laisser la porte ouverte à une contestation par la suite devant le Conseil de Prud'hommes,

B. QUELS SONT LES INCONVENIENTS DE L'ECRIT

Comme indiqué précédemment, la demande écrite laisse un preuve et peut donc être utilisé par l'employeur dans le cadre d'un contentieux.

Cela peut dans certain cas être utilisé pour démontrer un démotivation du salarié, une volonté de partir à un certain moment, un volonté de ne plus s'investir ou de se consacrer à d'autres projets.

A titre d'exemple, j'ai représenté un salarié qui souhaitait partir pour accepter un nouveau poste.
Il a demandé par écrit une rupture conventionnelle qui a été refusée par l'employeur, lequel ne voulait pas payer l'indemnité minimale de rupture.
Peu après, il a été licencié pour faute grave à l'appui de motifs inexacts et a contesté son licenciement.
Devant le Conseil de Prud'hommes, l'employeur n'a pas manqué de mettre en avant la demande de rupture, pour prétendre que le salarié voulait partir et qu'il avait tout fait pour se faire licencier, ce qui en  l'espèce était faux.

La demande écrite permet à également  l'employeur de prouver que la demande émane du salarié et non de lui, ce qui limite la possibilité de contestation de la rupture conventionnelle, laquelle est déjà très limitée, car elle suppose de démontrer un vice du consentement.

2. Quelles sont les conséquences pour le salarié?

A. A T-IL DES GARANTIES

La demande de rupture conventionnelle n'est assortie d'aucune garantie.
En effet, l'employeur est toujours libre d'accepter ou refuser, sans avoir à justifier d'aucun motif.
De plus, le salarié qui sollicite une rupture conventionnelle ne bénéficie d'aucune protection particulière, notamment contre le licenciement.

B. L'EMPLOYEUR PEUT-IL LUI IMPOSER UN ECRIT

Il n'existe aucune disposition légale obligeant le salarié à présenter une demande écrite,

En pratique, les employeurs sollicitent souvent du salarié qu'il adresse un courrier et ce afin d'éviter par la suite, en cas de contentieux, que le salarié prétende que l'employeur lui a imposé la rupture conventionnelle.
Si le salarié refuse, le risque est simplement que l'employeur ne donne pas suite à la demande de rupture.
En pratique il est donc difficile de refuser.


Conclusion

Avant de solliciter une rupture conventionnelle, il convient de se poser plusieurs questions et notamment :

  • Pour quelles raisons je souhaite partir ?

Si la demande est  motivée par des fautes ou des manquements de l'employeur, alors la rupture conventionnelle n'est pas la bonne solution. Il vaut mieux en ce cas consulter un avocat pour définir la solution de rupture qui préservera au mieux vos droits.

  • A quelles conditions je souhaite partir ?

Il faut être bien conscient que rien n'oblige l'employeur a vous accorder une indemnité supérieure à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, soit pour l'indemnité légale 1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté, plus 2/15ème par année au-delà de 10 ans.
Par ailleurs, en cas d'indemnité plus importante, le Pôle emploi  impose un délai de carence  égal  aux sommes perçues au-delà du montant légal, le délai de carence étant de 180 jours au maximum plus les congés payés.
En cas d'indemnité importante vous risquez donc de rester durant plus de 6 mois, sans indemnités chômage.