La rupture conventionnelle : une arnaque pour le salarié?

La rupture conventionnelle connait un grand succès depuis quelques années. Mode de rupture du contrat de travail, elle a l'avantage de permettre au salarié de recevoir les allocations chômage. Pourquoi? Quels sont ses avantages? Ses inconvénients? Et comment la contester?

Maître Zenou est un avocat spécialisé dans les problématiques de droit social. Il intervient dans tous les domaines du droit social (droit du travail, protection social), et a acquis une véritable expertise qu’il met au profit des salariés. Il nous livre son expertise.

Les avantages de la rupture conventionnelle : les clés de son succès

La rupture conventionnelle est une procédure qui permet à l’employeur et au salarié de convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. Cette rupture résulte d’une convention signée par les parties au contrat, c’est-à-dire l’employeur et le salarié.
Depuis ses débuts, la rupture conventionnelle rencontre un vif succès, pour s’en convaincre, il convient de se référer aux chiffres donnés par données par la DARES, ainsi en 2014, 333 306 ruptures conventionnelles ont été signées.
La rupture conventionnelle présente de nombreux avantages tant pour le salarié, que l’employeur.

  • Tout d’abord pour le salarié, cela lui permet de sortir rapidement de l’entreprise dans un contexte de crise et d’éviter de rester bloquer dans une situation qui perdure.
  • L’avantage majeur réside dans le fait de bénéficier de l’assurance chômage pour le salarié et ainsi de continuer sa carrière professionnelle vers d’autres projets.
  • Enfin, la rupture conventionnelle garantit au salarié au minimum l’indemnité légale de licenciement, qui est un plancher en-dessous duquel l’employeur ne pourra descendre.
  • En revanche, la rupture conventionnelle étant un contrat donc un accord des parties, rien n’empêche d’aller au-delà et de négocier toujours plus que le minimum légal.
  • Le motif de la rupture n’a pas à être connu, en effet, la rupture est conçue pour pacifier les relations entre salarié et employeur.
  • Pour l’employeur, la rupture conventionnelle présente tout d’abord l’avantage de la rapidité en cas de contentieux et de désamorcer une situation conflictuelle au travail.
  • Ensuite, elle permet d’éviter un contentieux en choisissant la voie de la négociation plutôt que celle contentieuse (licenciement).
  • La rupture est assez simple dans sa mise en place puisqu’il suffit de respecter les délais de rétractation et d’homologation (environ un mois) et le contrat est rompu à l’issue de ce délai.
  • L’employeur n’aura pas à verser au salarié l’indemnité de préavis. Attention toutefois, l'employeur devra s’acquitter d’une cotisation spécifique, appelée FORFAIT SOCIAL. Il s'agit d'une contribution de 20 % de la totalité de l'indemnité de rupture conventionnelle versée au salarié.

Quelques inconvénients

Réciproquement, la rupture conventionnelle présente des inconvénients pour les deux parties :

  • Le principal pour les deux parties étant le refus d’homologation par la DIRECCTE en raison du non-respect de la procédure. En effet, en cas de non-respect de la procédure, l'administration peut ne pas homologuer la rupture conventionnelle. En 2012, 6% des demandes instruites n'ont pas été homologuées, selon la Dares. Le premier motif de refus d'homologation réside dans le niveau des indemnités versées, trop faibles par rapport au minimum obligatoire.

Pour l'employeur :

  • L’inconvénient majeur pour l’employeur est la possibilité pour le salarié de contester la rupture conventionnelle pendant un délai de 12 mois à compter de l’homologation, ce qui lui confère une insécurité juridique.
  • En effet, le salarié peut estimer que la rupture conventionnelle a été signée sans respecter le consentement éclairé du salarié.

Pour le salarié :

  • L’inconvénient pour un salarié serait que la rupture soit imposée par l’employeur pour contourner un licenciement économique ou un licenciement pour faute et imposer des conditions très défavorables au salarié.
  • Le salarié ne peut pas bénéficier du préavis alors que dans le cadre d’un licenciement, il peut le négocier.

La rupture conventionnelle préférée à la démission

L’employeur préféra toujours une rupture conventionnelle. Pourquoi ?

  • En raison des garanties offertes par la rupture conventionnelle en cas de contentieux, en effet, durant un délai de 12 mois à compter de l’homologation, il sera possible de contester la rupture conventionnelle, ce qui confère une sécurité juridique pour l’employeur, le contentieux en la matière étant quasiment nul.
  • Par rapport aux délais de prescription, en cas de démission, c’est le droit commun qui a vocation à s’appliquer (2 ans à compter de la démission).
  • En outre, une remise en cause d’une rupture conventionnelle sera plus difficilement à mettre en œuvre dès lors que le salarié a signé la rupture conventionnelle. Il pourra invoquer un vice de consentement en cas de signature d’une rupture conventionnelle de manière non éclairée par ce dernier.
  • A noter toutefois que dans le cadre de la rupture conventionnelle, l’employeur devra verser l’indemnité légale ou conventionnelle (selon les cas) de licenciement alors que dans la démission, l’employeur n’a rien à verser au salarié.
  • Pour demander une rupture conventionnelle, son initiative peut provenir aussi bien de l'employeur que du salarié. En principe, ce dernier peut même faire une demande de rupture conventionnelle oralement et donc sans formalité écrite. Toutefois, en pratique, il est plus prudent de formaliser sa demande par le biais d'une lettre remise en main propre ou en adressant un courrier en recommandé avec accusé de réception à son employeur.
  • A réception de la demande, l’employeur est libre d’accepter ou de refuser la rupture conventionnelle. Si l’employeur accepte, il devra organiser des entretiens au cours desquels seront évoqués les modalités de la rupture conventionnelle, à noter que le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle qui ne pourra pas être inférieur au montant légal ou conventionnelle de licenciement.
  • Le salarié a la possibilité de se faire assister par un conseiller syndical au cours de ces entretiens.

5 erreurs à ne pas commettre

Les 5 grandes erreurs sont les suivantes :

  1. Forcer la volonté du salarié, cela peut avoir pour conséquence un refus d’homologation ou pire une contestation devant le Conseil de prud’hommes entraînant de facto une requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
  2. Antidater la date de rupture, ce qui peut conduire également à un contentieux devant le Conseil de prudhommes.
  3. Prévoir une indemnité en dessous du minimum légal ou conventionnel qui entraine de facto un refus d’homologation de la DIRECTE
  4. Lever la clause de non concurrence trop tard c'est-à-dire à l’issue de l’homologation où la rupture devient effective (date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation de la convention par l’autorité administrative, Article L.1237-12 du Code du Travail).
  5. Ne pas respecter le délai de prescription en matière disciplinaire qui est de 2 mois à compter de la découverte par l’employeur des faits fautifs. Cette hypothèse peut se produire si le salarié se rétracte au court de la procédure de mise en œuvre de la rupture conventionnelle.

Les 5 clés du succès de la rupture conventionnelle

  1. Un rapport gagnant entre l’employeur et le salarié ;
  2. Une rupture pacifiée avec la signature d’un accord ;
  3. Bien négocier l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;
  4. Bien respecter les délais de procédure dans le cadre d’une rupture conventionnelle ;
  5. Eviter l’écrit pour solliciter une rupture conventionnelle.

La rupture conventionnelle, plus conseillée que les autres ruptures du contrat ?

Tout dépend de la situation car la rupture conventionnelle n’est pas toujours favorable au salarié.
Prenons le cas d’un licenciement pour motif économique, dans le cadre de ce licenciement, le salarié bénéficie d’un maintien de salaire pendant 12 mois à 75 % de son salaire alors que la rupture conventionnelle prévoit le versement de l’aide au retour à l’emploi soit 57 % du salaire de référence.
En outre, il s’agirait d’une fraude visant à éluder les effets d’un licenciement pour motif économique par la signature d’une rupture conventionnelle.
Je conseillerais la rupture aux salariés qui souhaitent créer leur propre entreprise, en tel cas, la rupture conventionnelle peut s’avérer être un excellent moyen pour passer du salariat à l’entrepreneuriat.

Le réflexe en cas de litige

En cas de litige sur la rupture conventionnelle, le salarié devra saisir le Conseil de prud’hommes pour faire requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il devra prouver :

  • Un vice de consentement, c'est-à-dire que son consentement a été altéré par la contrainte patronale (pression pour faire signer la rupture)
  • Le déclenchement d’une procédure de licenciement antérieure à la rupture conventionnelle, en effet, il n’est pas possible de « rétropédaler » pour proposer une rupture conventionnelle alors qu’une procédure de licenciement avait été initiée par l’employeur.
  • Un harcèlement moral de l’employeur qui l’a conduit à signer une rupture conventionnelle
  • Le non-respect de la procédure, antidater des documents pour aller plus vite par exemple.
  • Il est toujours possible de proposer une rupture conventionnelle dans le cadre d'une maternité, d'un congé parental,   d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle, d'une inaptitude physique à la tenue d'un emploi, d'une rupture pour cause économique, d'un transfert de droit du contrat de travail  dans le cadre de l'article L12224-1 du CT ou d'un contrat d'apprentissage mais il ne sera pas possible de le signer pendant ladite période.

Il sera alors possible au salarié de requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir une somme visant à réparer la rupture du contrat de travail ou de solliciter la nullité de la rupture conventionnelle.

Contester la rupture conventionnelle

En vertu de l’article 1234-7 du Code du travail alinéa 4, « l'homologation ne peut faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention ».
Comme le texte l’indique, le salarié dispose d’un délai de 1 an à compter de l’homologation ou le refus d’homologation par la DIRECCTE.
Il ne sera pas possible de signer une rupture conventionnelle dans le cadre d’un licenciement économique, car l’employeur cherche à éluder les effets précisément de ce licenciement.
En effet, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Il y aura fraude à la loi, puisque les employeurs préfèreront se séparer de leurs salariés à moindre coût en éludant les effets d’un plan social coûteux.

Le bilan

Le bilan de la rupture conventionnelle se traduit par un solde positif puisque le nombre de ruptures conventionnelles ne cesse d’augmenter d’année en année. Tant les employeurs que les salariés y trouvent leur comptent dans ce mode de rupture pacifié.

Il convient de bien prendre votre temps dans la signature d’une rupture conventionnelle pour mesurer si tous vos droits sont bien respectés. N’hésitez pas à demander conseil auprès de l’inspection du travail ou à un avocat pour veiller à ce que vos droits soient bien respectés !