Etude de cas

Conflit et Conseil de Prud'hommes : les conseils d'une avocate

Un salarié peut-être amené à envisager une procédure devant le Conseil de Prud'hommes. Mais le manque de connaissance concernant la procédure à suivre, peut être un facteur d'abandon pour certain ! Ainsi, nous avons pu interviewer Maître Sara Kebir, afin de lui poser plusieurs questions concernant le règlement de ces litiges.

Maître Sara Kebir est Avocate au Barreau de Lyon, ses activités dominantes sont concentrées sur le droit du travail, de la sécurité sociale ainsi que la réparation des préjudices corporels. Maître Sara Kebir évolue aux côtés des salariés, mais également des employeurs, ce qui lui permet de conserver un œil vigilant, sur l’argumentation que pourrait développer l’adversaire. Elle assiste également ses clients réguliers, lorsque des problématiques en droit commercial, en droit de la famille ou en droit pénal se posent, en recommandant notamment des Confrères compétents.

I) Si un salarié est en litige avec son employeur, comment peut-il avoir des chances d’obtenir gain de cause devant le Conseil de Prud'hommes ?

Il faut garder à l’esprit que le principe est que la charge de la preuve incombe au demandeur - donc au salarié - s’il saisit le Conseil de Prud’hommes.

Lorsqu’un salarié rencontre un litige avec son employeur, il est nécessaire qu’il puisse établir la preuve du bien-fondé de ses demandes. Le Conseil de Prud’hommes, et plus généralement les juridictions, n’accorderont que peu de crédit aux seuls dires des justiciables. Les Conseillers Prud’hommaux se fient aux éléments probants matériellement vérifiables. Il est donc nécessaire qu’un salarié adresse un courriel ou une lettre recommandée avec accusé de réception à son employeur lorsqu’il constate une irrégularité qui n’est pas réglée spontanément par son employeur.

A titre d’exemple, si un salarié rencontre des difficultés pour obtenir le remboursement de frais professionnels, il est nécessaire qu’il en conserve la preuve, à savoir qu’il a demandé le paiement de ses frais professionnels à son employeur et qu’il a supporté des frais professionnels. Trop de salariés pensent pouvoir demander un remboursement de frais alors qu’ils ne sont pas en possession de leurs tickets de paiement de carburant ou de leurs billets de train.

En matière de sécurité au travail, il ne faut pas hésiter à solliciter l’intervention du Médecin du travail ou de l’Inspection du travail dont l’action pourra aider le salarié en difficulté.

Le salarié doit également veiller à respecter les délais de prescription. Par exemple, les salaires ne peuvent être réclamés que pendant trois ans.

II) Comment un salarié peut-il financer un recours devant le CPH ?

En principe, La procédure prud’homaleest gratuite. Il n’y a pas de droit de timbre ou de frais fixes de procédure.

En revanche, s’il est nécessaire de recourir à un huissier de justice et/ou si le salarié a besoin de se faire assister ou représenter par un Avocat, la procédure prud’homale peut générer un coût.

Des mécanismes permettent au salarié de financer en totalité ou partie un recours devant le Conseil de Prud’hommes.

D’abord, l’assurance de protection juridique peut être souscrite par toute personne. Moyennant un coût variable, elle peut permettre de faire une déclaration de sinistre auprès de son assureur de protection juridique afin qu’il participe en toute ou partie aux frais d’un Avocat, d’une Huissier de justice et/ou d’un Expert. A ce titre, il est intéressant de préciser que l’assurance de protection juridique est généralement souscrite dans le cadre de l’assurance habitation.

Ensuite, à défaut de bénéficier d’une assurance de protection juridique, l’aide juridictionnelle peut permettre aux personnes ayant de faibles ressources de bénéficier d’une prise en charge totale ou partielle par l’état des honoraires et des frais de Justice des Avocats, huissiers, experts etc.

A titre indicatif, à ce jour, la juridictionnelle est accordée à une personne si ses ressources maximales mensuelles sont inférieures ou égales à 1017 euros.

En tout état de cause, les honoraires des Avocats seront librement fixés d’un commun accord avec chaque client et devront tenir compte les capacités financières de chaque client.

III) Les indemnités prud’hommales sont plafonnées, est-ce devenu moins intéressant pour un salarié de former un recours à cause de cela ?

Seuls les dommages et intérêts prononcés pour résiliation judiciaire du contrat de travail et prise d’acte de la rupture jugées aux torts de l’employeur ainsi que pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont désormais plafonnés.

Par exclusion, les plafonds ne s’appliquent pas au licenciement nul notamment en cas de licenciement discriminatoire, de licenciement d’un salarié protégé par un mandat, en  congé maternité ou paternité, de licenciement d’un salarié ayant le statut de victimes d’accident du travail et en maladie professionnelle.

A mon sens, il n’est pas moins intéressant pour un salarié de former un recours à cause  des ordonnances MACRON. En effet, seuls les dommages et intérêts précités sont limités.

Il est toujours possible de solliciter l’indemnisation de préjudice distinct, sans plafond, notamment si le licenciement est prononcé dans des conditions vexatoires.

Les demandes bien-fondées de rappels de salaire permettront le paiement de salaires et l’indemnisation, sans plafond, des préjudices subis.

Le salarié devra être en mesure de démontrer tant l’existence que l’étendue du préjudice subi.

D’ailleurs, l’indemnité légale de licenciement a été réévaluée. Les ordonnances MACRON n’ont donc pas que des inconvénients.

IV) Un salarié peut il faire appel d’une décision du CPH et doit-il le faire ?

Seuls les jugements pour lesquels les demandes étaient au moins égales à 4000 € ou indéterminées peuvent faire l’objet d’un appel.

Sauf exception, l’appel d’une ordonnance de référé doit être interjeté dans un délai de 15 jours à compter de sa notification. Lorsqu’il s’agit d’un jugement, l’appel doit intervenir dans un délai d’un mois à compter de sa notification. 

Le salarié doit obligatoirement être assisté par un avocat ou un défenseur syndical.

L’opportunité d’interjeter appel doit s’apprécier au regard de chaque situation particulière.

Il est intéressant de faire appel si la lecture du jugement laisse comprendre que les Conseillers prud’homaux ont dénaturé ou mal apprécié les faits, si une erreur d’application du droit les a conduits à rendre une décision contestable ou encore si des éléments ne semblent pas avoir été pris en compte.

À l’inverse, il est préférable de ne pas faire appel si le salarié n’a pas de nouveaux éléments à faire valoir et si l’appréciation du Conseil de Prud’hommes ne permet pas d’entrevoir une faille dans l’argumentation du jugement.

C’est par exemple le cas lorsqu’un salarié s’estime victime de harcèlement moral alors qu’il n’a jamais alerté son Employeur des faits qu’il dénonce et qu’il n’a aucun élément pour les faits qu’il a subis.

Dans ces conditions, si le salarié interjette appel, le risque serait que la Cour d’Appel confirme le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes et que le salarié soit condamné à verser à son employeur une somme d’argent sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

V) Dans quels cas un salarié ne devrait pas former de recours ? La médiation du conflit est elle préférable à un procès ?

A mon sens, un salarié ne devrait pas former de recours s’il ne détient aucune preuve permettant de justifier du bien-fondé de ses prétentions.

Par exemple, un salarié qui estime avoir légitimement quitté son emploi, en urgence, pour conduire l’un de ses parents à l’hôpital ne peut pas contester la sanction qui lui a notifiée s’il ne peut pas démontrer que l’un de ses parents a réellement été admis à l’hôpital le jour de son départ anticipé.

Un salarié ne devrait pas former de recours sans prendre attache avec un organe associatif, un défenseur syndical ou un avocat et surtout si tous lui déconseillent de former un recours.

Les modes alternatifs de règlement des différends sont toujours préférables à un procès. La médiation permet d’obtenir un règlement du conflit plus rapidement et alors que les procédures prud’homales sont longues. La transaction amiable permet au salarié de maîtriser le montant de la transaction qu’il accepte. Il est intéressant d’éviter que le dossier soit soumis à l’appréciation parfois aléatoire des Conseillers Prud’homaux. 

La médiation permet également de pacifier les relations puisqu’il n’en ressort ni perdant ni gagnant. Il est d’ailleurs courant de négocier la remise d’une lettre de recommandation au salarié en contrepartie de l’abandon de la procédure ce qui peut être utile à la poursuite des recherches d’emploi.