L'entretien annuel

Entretien annuel : sortir de la position statique de l’appréciation-sanction

L’entretien annuel, dont la place et l’impact en tant qu’outil de management ne sont pas toujours reconnus, est souvent perçu comme un « moment critique », source de tensions tant chez le collaborateur que chez le manager. C'est pourtant l'une des rares occasions pour le managerde reconnaître la contribution individuelle de son collaborateur et d'accompagner son développement.D__ans cette interview, Michel Lora, directeur-fondateur de GII (Groupe Intervention Innovation) -cabinet de conseil en Ressources Humaines- et spécialiste de la conduite de l'entretien annuel, aborde les conséquences des entretiens mal menés, et propose des axes d'amélioration à cet exercice.

Les dangers d'une campagne mal menée

Une campagne d'entretiens annuels mal menée expose l'entreprise à des risques, qui peuvent avoir des répercussions graves sur le fonctionnement de l'organisation. Retour sur les principaux dangers :

  • Lorsqu’une campagne est lancée alors que les managers ne se sont pas préparés – en effet, comme l’acteur qui apprend son rôle, répète la pièce, le manager a lui aussi besoin de s’entraîner – l’entretien annuel est alors pris comme « une corvée » par les collaborateurs : « La DRH me demande de …. »
  • Lorsque le document de synthèse de l’entretien est conçu par une équipe de spécialistes RH, il ressemble souvent à une « usine à gaz » et l’entretien est consacré alors à remplir «  un beau document  » et perd donc tout son intérêt
  • Lorsque le salarié n’est pas impliqué dans la préparation de son entretien, celui-ci tourne à « la liste de courses » ou en « règlement de comptes »
  • Quand il est prévu d’aborder le salaire et la prime lors d’un entretien annuel, tout l’intérêt de ce dernier peut être focalisé sur ces points et faire perdre la richesse de l’ensemble du processus

Au coeur de l'entretien annuel, ajustement et responsabilité

L'entretien annuel est un moment privilégié d'échange entre le collaborateur et son manager, et c'est notamment l'occasion d'ajuster les points de vue, ou de redéfinir les responsabilités de chacun .

A) Exemple d'ajustement :

En tant que Directeur de GII, lorsqu’un de mes collaborateurs, lors de la phase bilan, m’indique comme une de ses réussites un point qui pour moi est à améliorer  (ex : passer ce point de 50% à 80%), je vérifie alors son critère de réussite en lui posant la question « qu’est-ce qui te fait dire que c’est une réussite  ». S’il me répond : « parce que c’est la première fois que j’ai fait cela », cette réponse  montre un écart de perception entre lui et moi qui va me permettre ensuite de faire avec lui un travail d’ajustement de point de vue.

B) Exemple de responsabilité :

Dans une société de haute technologie, des managers peuvent être amenés à changer de poste tous les 6 mois. Certains collaborateurs  de ce fait, ont leur entretien de l’année avec un autre manager. Dans ce contexte, nous avons formé les collaborateurs à devenir les acteurs-porteurs de leur propre entretien.

Les conséquences néfastes de l'entretien annuel

Les intervenants de GII et moi-même sommes le plus souvent confrontés aux cinq conséquences ci-dessous :

  • Quand le manager n’a pas dit clairement à son collaborateur ce qui était attendu de lui, ce dernier peut alors continuer à se comporter de façon inappropriée et être très surpris de se retrouver sur la touche
  • Si le manager dit clairement ce qu’il veut (objectifs, comportements) à son collaborateur sans avoir vérifié la stratégie de mise en œuvre de ce dernier (comment tu vas faire pour…)
  • Lorsque les non-dits du collaborateur ne sont pas perçus par le manager et donc restent non explicités
  • Si l’entretien annuel est un simple rituel qui n’amène rien ou est trop décalé par rapport au quotidien, il devient une perte de temps. Il vaudrait mieux ne rien faire
  • Quand au cours de l’entretien sur les perspectives d’avenir, le manager laisse croire au collaborateur qu’il peut espérer tel ou tel poste et qu’il n’en a pas les capacités.

Entretien annuel, la recette du succès

Pour que l’entretien annuel soit une réussite, il faut :

  • Préparer l’entretien des 2 côtés : manager et collaborateur (si le collaborateur n’est pas préparé, pas d’entretien)
  • Avoir des managers entraînés à la conduite d’entretien (une occasion de repérer ce qu’ils font naturellement bien et de mettre en place des options ajustées à la place d’habitudes non pertinentes)
  • Avoir développé une capacité d’écoute et de compréhension du « cadre de référence » du collaborateur (80% temps collaborateur, 20% temps manager)
  • Avoir développé la capacité à transformer « ce qui ne va pas » en « ce qui est attendu »
  • Avoir des managers qui ont développé la capacité à aider leurs collaborateurs à identifier leur stratégie de succès et à tirer les enseignements de leurs échecs ou de leurs non-résultats
  • Prendre un rendez-vous de suivi des objectifs à 6 mois
  • Traiter l’information sur l’augmentation de salaire dans le cadre d’un autre entretien.

Entretien annuels : évolution et avenir

Dans la période actuelle de changement accéléré sur un rythme soutenu, l’entretien annuel représente un point de repère qui oriente l’action et accompagne l’apprentissage et le développement permanent des individus. Il favorise l’autonomie individuelle tout en renforçant le sentiment d’appartenance à l’équipe.

Cela suppose néanmoins de sortir de la position statique de l’appréciation-sanction et d’adopter puis de renforcer une dynamique d’accompagnement et de développement.

C’est pourquoi je privilégie l’appellation « entretien de développement » plutôt que celle d’ « entretien d’évaluation-appréciation » qui renvoie implicitement à une image scolaire obsolète. Le savoir intellectuel représente une première étape dans l’apprentissage de nouvelles capacités ou compétences, le savoir efficient, quant à lui, suppose l’intégration de ce savoir dans ses façons de faire et d’être.


Conclusion

L’entretien annuel est bénéfique pour le salarié et l’entreprise, lorsque, dans la façon dont il est conduit par le manager, il vise un véritable développement du collaborateur et qu’il est en cohérence avec le management au quotidien. Cela suppose que le manager ait acquis une vraie compétence dans la conduite de l’entretien. Et ce travail ne doit pas être pris à la légère.