Droit du travail

Accident du travail ou maladie professionnelle : la faute de l'employeur

Vous êtes victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et vous pensez que c’est au moins en partie la faute de votre employeur ? Cette fiche vous aide à comprendre dans quels cas l’employeur est fautif et le cas échéant, ce que cela change à votre indemnisation.

1) L’obligation de santé et sécurité au travail

Tout employeur a l’obligation d’assurer la sécurité et de veiller à la santé de ses employés durant leur temps de travail.

Cette obligation implique diverses mesures :

  • L’évaluation des risques professionnels (EvRP) qui consiste en l’identification, l’analyse et le classement des risques auxquels sont soumis les salariés de l’entreprise. Les résultats de cette évaluation sont inscrits dans un document unique, lequel est mis à la disposition du personnel de l’entreprise.

  • La formation et l’information des salariés afin de leur permettre de maitriser les risques spécifiques à leur poste de travail, à la circulation dans l’entreprise ou en cas de création ou modification d’un poste de travail ou d’une technique de travail ; que ce soit pour leur propre sécurité ou celles des autres. L’information passe notamment par l’affichage des consignes de sécurité et des fiches de poste au sein de l’entreprise.

  • La mise en place d’une organisation et de moyens de travail adaptés. Il s’agit d’éviter qu’un employé se retrouve exposé aux risques découlant de l’activité d’un collègue en organisant leur travail alterné, mais aussi de s’assurer que chacun ait à disposition des équipements de protection. Les équipements de protection collective (ex : rembarde de sécurité) devant être privilégiés sur les équipements de protection individuelle (ex : système d’arrêt des chutes). Enfin, le lieu d’exécution du travail doit être lui-même sécurisé. Ainsi, le sol ne doit pas être glissant, l’éclairage naturel doit être suffisant, accès aux installations doit être aisé etc…

2) La faute inexcusable

Il s’agit d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, caractérisé lorsque celui-ci n’a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher la survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’il avait, ou aurait dû avoir conscience du danger. Il sera parfois admis qu’un employeur pouvait, en toute bonne foi, ignorer l’existence d’un danger. C’était le cas concernant la manipulation d’amiante par exemple, tandis qu’il faut parfois des dizaines d’années avant de déceler scientifiquement les risques sanitaires découlant de l’usage de certains produits.


Prenons un exemple pour mieux comprendre la faute inexcusable :

Une entreprise de bâtiment obtient un nouveau marché mais les délais à tenir sont plutôt courts et l’employeur décide qu’il sera bien plus rapide de mettre des échelles à disposition de ses employés que de faire installer des échafaudages. Philippe est ouvrier et vient d’être affecté à ce nouveau chantier. Un jour où le vent est particulièrement fort, il s’inquiète de devoir travailler en hauteur mais son employeur lui assure que l’échelle est solide et que personne n’en est jamais tombé, qu’il n’est pas plus maladroit qu’un autre. Il commence à pleuvoir, le vent est souffle fort, Philippe glisse, tombe et se blesse.

Il est alors possible d’analyser la faute de l’employeur à divers niveaux :

S’il n’a pas procédé à une évaluation des risques professionnels liés à la réalisation du chantier, il y aura faute inexcusable tandis qu’il ne pouvait ignorer l’existence de risque, ainsi que son obligation d’en prévenir la réalisation ;

S’il a demandé à Philippe d’utiliser une échelle alors qu’il n’existait pas d’impossibilité technique de recourir à un échafaudage et qu’il n’était pas démontré lors de l’évaluation des risques que l’utilisation d’une échelle était sans danger par rapport à la tâche à accomplir ; de nouveau il y aura faute inexcusable ;

Enfin, demander à un salarié d’effectuer des travaux en hauteur tandis que les conditions météorologiques compromettent sa sécurité est constitutif à nouveau d’une faute inexcusable ; l’employeur ne pouvant ignorer le risque auquel s’exposait son employé.


3) Et après ?

a) Responsabilité et preuve de la faute

Vous pensez être victime d’une faute inexcusable de votre employeur ? Malheureusement, c’est vous qui allez devoir en rapporter la preuve.

Il y a cependant deux exceptions à ce principe :

  • La faute inexcusable de votre employeur sera présumée si vous avez été embauché sous contrat de travail temporaire ou à durée déterminée et que vous n’avez pas bénéficié d’une formation à la sécurité renforcée. S’agissant d’une présomption simple, elle pourra être renversée par une preuve contraire ;

  • Votre employeur a été informépar des salariés ou par un membre du CHSCT de l’existence d’un risque et n’a pris aucune mesure pour y remédier. Si le risque se réalise, la faute inexcusable sera établie sans que vous n’ayez à fournir de preuves.

Il n’est pas nécessaire que la faute de votre employeur ait été la cause directe et déterminante de votre accident ; simplement qu’elle en ait été une cause nécessaire. Peu importe alors que d’autres fautes aient concouru à la réalisation du dommage.


Prenons un exemple :

A propos d'une affaire jugée en 2007 par la Cour de cassation (n°06-13.957). Un salarié exerçant la profession d’éboueur avait eu sa main droite écrasée par la pelle de compactage d’une benne à ordures. Il avait été constaté que la victime avait reçu une formation en interne à la sécurité, menée par des salariés expérimentés. Qu’à l’issue de cette formation, il avait pris connaissance du règlement intérieur ainsi que des consignes de sécurité faisant notamment référence aux risques liés au compactage. Tandis que, par ailleurs, ce système de compactage était conforme aux règles de sécurité et ne présentait aucune défectuosité, il avait été décidé que l’employeur n’avait pas commis de faute inexcusable. Seul l’irrespect, par la victime, des consignes de sécurité étant la cause de son accident.

Si on imagine maintenant que cet employeur n’avait pas assuré de formation au salarié, il n’aurait pas directement causé l’accident mais en aurait tout de même permis la réalisation par défaut de prévention. Il est probable qu’il lui eut alors été reproché d’avoir commis une faute inexcusable.


A noter que la responsabilité d’un employeur ne peut être retenue qu’en cas de risque raisonnablement prévisible. Pour reprendre l’exemple de l’amiante, il était tout à fait légitime d’en ignorer les risques avant que des études en démontrent la nocivité. Enfin, la responsabilité de l’employeur ne pourra pas non plus être retenue en cas de force majeure ou encore dans le cas où il serait impossible de déterminer la ou les causes de l’accident.

b) L’indemnisation de la victime

Tout salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle en raison de la faute inexcusable de son employeur pourra obtenir une indemnisation supplémentaire se traduisant par une majoration de sa rente ou du capital versé par la Caisse primaire d’assurance maladie. En revanche, il ne lui sera pas possible de demander directement à son employeur le versement de dommages et intérêts. En fait, la majoration versée par la CPAM va être récupérée directement auprès de l’employeur par le biais d’une cotisation complémentaire qui lui sera imposée.

Indépendamment de cette majoration, la victime pourra demander à l’employeur fautif, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d’un éventuel préjudice :

  • Causé par les souffrances physiques et morales dues à l’accident ou à la maladie ;
  • Esthétiques (cicatrices, disgrâces et déformations liées à un accident corporel) ;
  • D’agrément du fait de l’impossibilité de continuer à avoir une activité de loisirs ou de sport que la victime avait auparavant ;
  • Causé par la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle.

Attention cependant, si la victime a elle-même commis une faute inexcusable à l’origine de son préjudice, la majoration de son indemnisation pourra être diminuée.


Prenons un exemple :

Imaginons que vous travaillez dans la manutention et avez été informé à plusieurs reprises de l’interdiction de passer sous un chariot élévateur pendant que ce dernier manœuvre. Vous décidez malgré tout de le faire et êtes blessé par la chute d’une caisse. Dans le cas où l’engin n’est pas adapté à l’utilisation qui en est faite, ce qui explique la chute de la caisse, la faute inexcusable de votre employeur pourra être retenue et vous aurez une majoration de votre indemnité de 20%. Mais votre propre faute ayant elle-même le caractère d’inexcusable, cette majoration sera peut-être abaissée à 10%. Ces pourcentages sont à titre d’exemple. La majoration de l’indemnité pour faute inexcusable de l’employeur étant déterminée au cas par cas.


Conclusion :

Votre employeur à une obligation de santé et de sécurité envers vous. Ce qui implique qu’il ait le devoir d’évaluer les risques liés à votre travail et de les prévenir via diverses mesures qui s’avèreraient nécessaires telles que des actions de formation et d’information ou encore la mise à disposition d’équipements de sécurité. Dès lors que vous subissez un accident du travail ou une maladie professionnelle, se posera à la fois la question de votre faute et de celle de votre employeur. Si ce dernier n’a pas commis de faute inexcusable, vous toucherez une indemnité non majorée de la CPAM. En cas de faute inexcusable, l’indemnité pourra être plus ou moins majorée en fonction des fautes respectives de l’employeur et du salarié victime.