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Loi de sécurisation de l'emploi : la fin du CDI ?

Adoptée le 14 mai dernier, la loi de sécurisation de l'emploi a provoqué moult débats en ce qu'elle accorde de nouveaux droits aux employeurs dont l'entreprise traverse un contexte économique difficile. Ses détracteurs l'ont accusée d'être à l'origine de la fin du CDI. Focus sur les implications de cette loi pour les salariés et les employeurs.

Une flexibilité accrue pour les entreprises

A ) Faciliter la mobilité interne et le maintien de l'emploi

Sous réserve d'un accord avec les syndicats, les entreprises en difficultés conjoncturelles pourront reclasser leurs salariés. Cette mesure vise à éviter les plans sociaux. Toutefois, si un salarié s'oppose à son reclassement, l'entreprise pourra le licencier pour motif économique.

Ainsi, une entreprise en difficulté peut dorénavant exiger des efforts de ses salariés, à condition qu'elle ait passé des accords majoritaires avec les syndicats, et ce pour une durée de 2 ans maximum. Ces efforts passent par des réductions de salaire (sans diminuer les salaires inférieurs à 1,2 fois le SMIC), une augmentation du temps de travail ou une mutation sur un autre lieu de travail. En cas de refus, l'employeur est autorisé à licencier le salarié.

B ) Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE)

Lorsque l'entreprise souhaite appliquer un plan social, elle doit signer un accord majoritaire avec les syndicats. L'employeur conserve toujours la possibilité de fixer de manière unilatérale le PSE, mais il devra le soumettre au comité d'entreprise qui l'homologuera selon des critères plus exigeants.

C ) Obligation de trouver un repreneur

En cas de fermeture d'un site, un employeur devra trouver un repreneur et en informer le comité d'entreprise.

D ) Aménagement du contention prud'homal

Le délai de contestation aux Prud'hommes est réduit à deux ans pour tout litige concernant l'exécution du contrat, et à trois ans pour tout litige relatif aux salaires.

E ) Création du CDI intermittent

Un nouveau type de contrat de travail est créé : le CDI intermittent. Il n'est toutefois autorisé que pour les entreprises des secteurs de la formation, du commerce d'articles de sport et d'équipements de loisir et de la confiserie, chocolaterie, biscuiterie.

Des droits élargis pour les salariés.

En parallèle, la loi de sécurisation de l'emploi crée de nouveaux droits pour les salariés.

A ) Généralisation de la couverture complémentaire collective santé

La nouvelle loi prévoit qu'à partir du 1er janvier 2016, toutes les entreprises devront proposer à leurs salariés une couverture santé collective. Les partenaires sociaux pourront au choix imposer un organisme assureur à l'entreprise, ou la laisser libre de le choisir.

Actuellement, ce sont les branches professionnelles qui sont en négociations sur la mise en œuvre de cette couverture. Il est prévu que les entreprises non couvertes par un accord de branche devront elles-mêmes entamer les négociations à partir du 1er juillet 2014.

B ) Le compte personnel de formation

La loi entend aussi créer un compte personnel de formation universel pour chaque salarié. Il s'agira d'un compte que le salarié ouvrira lorsqu'il entrera sur le marché du travail, et qu'il conservera durant toute sa vie active.
Ce compte s'alimentera à raison de 20 heures par an pour un salarié en CDI à temps plein, cumulable sur 6 ans dans la limite de 120 heures. Pour les CDD, ce compte s'alimentera au pro rata du temps de travail du salarié sur l'année.

Ce compte devrait, à terme, remplacer le droit individuel à la formation actuel.

C ) Une mobilité externe accrue

La loi prévoit d'autoriser les salariés des grandes entreprises (plus de 300 salariés) ayant de l'ancienneté (deux ans ou plus) à exercer une activité dans une autre entreprise pendant une durée déterminée sans rompre leur contrat de travail. Celui-ci n'est que temporairement suspendu.

Cela vise à encourager les salariés à trouver un travail où ils s'épanouissent. En effet, beaucoup ne sont pas satisfaits de leur emploi, mais n'osent pas le quitter de peur de ne pas en trouver d'autre.

Désormais, le salarié pourra revenir au sein de son entreprise d'origine et son contrat de travail reprendra. Il pourra aussi choisir de rester dans la nouvelle entreprise, auquel cas il présentera sa démission à son ancien employeur.

D ) La participation des salariés aux conseils d'administration et de surveillance

Cet aspect de la loi vise les sociétés employant plus de 5 000 salariés en France (ou 10 000 dans le monde). Désormais, ces sociétés devront posséder au moins un représentant du salarié au sein de leur conseil d'administration ou de surveillance (2 si le conseil comporte plus de 12 membres).

Le but de la loi est d'améliorer la prise en compte des intérêts des salariés dans la définition des objectifs stratégiques de l'entreprise.

E ) Des droits "rechargeables" au chômage

Lorsqu'un chômeur retrouve un emploi, il conserve ses droits aux assedics qu'il n'a pas utilisé (par rapport à la période d'indemnisation à laquelle il a droit) et qu'il pourra utiliser lors d'un éventuel retour au chômage.

F ) La modulation des cotisations d'assurance chômage

Le taux de cotisation due par les employeurs, actuellement de 4%, sera majoré pour les contrats de travail dits précaires. En l'occurrence, pour la majorité des CDD (sauf ceux conclus pour un emploi saisonnier ou le remplacement d'un salarié absent).
En contrepartie, les employeurs seront exonérés de la cotisation chômage pendant 3 mois (4 pour les entreprises de moins de 50 salariés) lorsqu'ils embaucheront un jeune de moins de 26 ans en CDI.

G ) La réforme des temps partiels

Le texte instaure une durée minimum de 24 heures pour les temps partiels, sauf dérogation à la demande du salarié ou par accord de branche.
En outre, le texte prévoit que la rémunération des heures supplémentaires sera majorée de 10% dès la première heure effectuée.


Conclusion

Le but de cette loi n'est en aucun cas de supprimer le CDI, comme l'ont laissé entendre ses détracteurs. L'idée est d'instaurer un modèle de "flexi-sécurité à la française", selon expression du député centriste Jean-Marie Vanlerenberghe, afin d'assouplir les contraintes des entreprises vis-à-vis de l'emploi, tout en renforçant les droits et intérêts des salariés.