Sanctions

Internet au travail : peut-ont aller en prison ?

Lors de son temps de travail, le salarié se doit de réaliser les tâches pour lesquelles il a été embauché. La journée peut être entrecoupée de divers moments : pauses, déplacements, astreintes...

Le travail n'est donc pas toujours à l'ordre du jour. Cependant, le salarié ne doit jamais user de ce temps pour des tâches étrangères au service.

A) L'abus de confiance

Le salarié, s'il ne pourvoit pas aux tâches pour lesquelles il a été embauché peut subir diverses sanctions et ce, au regard des circonstances du cas : sanctions disciplinaires, licenciement etc...

Ce dernier peut aussi subir une peine de prison.

En effet, l'utilisation, par un salarié, de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération de son employeur, constitue un abus de confiance. Lorsque les faits sont suffisamment graves, l'employeur peut poursuivre le salarié devant la juridiction pénale. Le salarié peut être condamné à une peine de prison.

L’abus de confiance est défini comme "le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé".

Ce délit est puni d’une peine pouvant aller jusqu’à 375.000 euros d’amende et 3 ans d’emprisonnement (Article 314-1 du Code pénal et Cass. Crim. 7 mars 2012, n°11-82070).

B) Le fonctionnement de l'abus de confiance

Le contrat de travail contient et précise les droits et obligations des parties,  notamment en ce qui concerne le poste de travail, les missions du salarié, sa rémunération, ainsi que le lieu et la durée de travail.

En contrepartie de sa prestation de travail, l'employé perçoit une rémunération, dans les conditions prévues par le contrat.

Si pendant son temps de travail, le salarié vaque à ses occupations personnelles, il est "payé à ne rien faire", ce qui occasionne un préjudice pour son employeur. Cette pratique donne généralement lieu à une sanction disciplinaire, pouvant conduire jusqu'au licenciement pour faute du salarié. Mais l'employeur peut ne pas s'arrêter là et engager une action devant la juridiction pénale.

C) L'action de l'employeur

L’employeur peut engager une procédure disciplinaire à l’encontre du salarié qui fait l’objet de poursuites pénales, et ce, sans respecter le délai de 2 mois prévu par l'article L1332-4 du Code du travail. Cependant, la sanction envisagée doit être rendue indispensable par les faits reprochés au salarié, exige l'article L1332-3 du Code du travail. En cas de mise à pied conservatoire, la sanction a un effet immédiat et doit être prise dans le respect de la procédure fixée à l'article L1332-2 du même code (Cass. Soc. 4 décembre 2012, n°11-27508).

Le salarié qui pendant plusieurs années travaille entre 2,5 et 3 jours par semaine pour ses activités privées et utilise frauduleusement le matériel et les fournitures de son entreprise pour un coût exorbitant (plus de 27.690 euros sur 5 ans), se rend coupable d'abus de confiance (Cass. Crim. 19 juin 2013, n°12-83031).

De même, l'usage abusif de la connexion internet de l'entreprise peut entraîner des poursuites pénales à l'encontre d'un salarié. Ainsi, celui qui détourne la connexion internet de l'entreprise de son usage professionnel, pour visiter des sites à caractère pornographique, se rend coupable lui aussi coupable du délit d'abus de confiance (Cass. Crim. 19 mai 2004, n°03-83953).

Dans la même veine, la Cour de cassation a condamné un salarié pour abus de confiance suite à l’utilisation détournée des outils informatiques laissés à sa disposition professionnelle par son employeur, car : « l'intéressée a pu, ainsi, pendant son temps de travail, envoyer et recevoir des messages et des annonces à connotation sexuelle et visiter de nombreux sites sans rapport avec l'activité professionnelle, enregistrer et stocker des images à caractère pornographique, dont certaines la mettent en scène. » (Cass. Crim., 3 octobre 2007, n° 07-82098)

Autre exemple en date du 19 Juin 2013, un salarié était chargé de réaliser les moulages de prothèses dentaires provisoires pour des patients. Ces derniers restituaient leurs prothèses provisoires et après avoir obtenu leur prothèse dentaire définitive auprès d'un prothésiste de leur choix. Cependant, le salarié était également le gérant et l'associé unique d'une société dont l'unique client était une société de fabrication de prothèses définitives dont un prothésiste libéral était l'associé et le gérant salarié. Suite à une dénonciation, une enquête a fait apparaitre l’existence d’une entente lucrative entre le prothésiste libéral et le salarié qui incitait les patients à faire réaliser leur prothèse définitive par le prothésiste libéral.

Ce dernier utilisait à cet effet des moulages que le salarié fabriquait pendant ses heures de travail et avec le matériel de son employeur.

En échange de ce service, le salarié recevait une rémunération du prothésiste libéral.

En droit du travail et plus particulièrement pour ce qui ce qui concerne le comité d’entreprise, il peut y avoir abus de confiance en cas, par exemple, de détournement de la subvention de fonctionnement par un membre du comité.

Ainsi, l’abus de confiance a été caractérisé à l’encontre de membres du CE qui avaient fait prendre en charge par le budget de fonctionnement du comité leurs frais de voyage à l’étranger et qui s’étaient fait rembourser leurs frais personnels de restaurant sur les fonds du comité d’entreprise (Cass. Crim. 16 octobre 1997, n°96-86231).

De même, sont coupables du délit d'abus de confiance les salariés membres du comité d'entreprise, qui ont outrepassé leurs mandats en octroyant des prêts à des salariés grévistes pour un montant supérieur à celui de l'aide sociale prévue au règlement intérieur (Cass. Crim 30 juin 2010, n°10-81182).

On pourrait dès lors être tenté de penser que toute utilisation du temps de travail à des fins personnelles est constitutive d’abus de confiance.

En vérité, cela est a nuancer dans la mesure où il semble que tout dépendra de l’utilisation faite du temps de travail, notamment de son caractère lucratif, de la part consacrée à l’activité extérieure et du préjudice causé.

D’ailleurs, la Cour de cassation a déjà jugé qu’un usage privé ponctuel des moyens de l’entreprise  n’est  pas suffisant  pour caractériser un abus de confiance ; il faut que cet usage soit de nature à priver le légitime propriétaire de l’utilisation de son bien ou de le gêner dans l’exercice de ses propres prérogatives. (Cass. Crim., 16 juin 2011, n° 10-83.758)

Il est donc possible d'être condamnée pour abus de confiance par le détournement, non pas des moyens matériels de l’entreprise, mais du temps de travail.