Licenciement

Licenciement pour inaptitude : 9 questions clés

Pouvez-vous refuser de subir une visite médicale ? Pouvez-vous vous faire examiner par votre médecin traitant ?
Maitre Laurent Cailloux-Meurice répond à toutes nos interrogations relatives à l’inaptitude au travail. 
Avocat à la cour depuis 2011, Maitre Cailloux-Meurice, spécialisé en droit social, a toujours été passionné par cette matière riche et en constante évolution.
Il pratique cette matière dans tous ses aspects, à la fois conseil et contentieux.
Dans cette interview, il nous parle du licenciement pour inaptitude sous tous ses aspects.

Modifications suite au décret : Le décret n° 2016-1908 publié le 29 décembre 2016 relatif au nouveau suivi médical en santé au travail a apporte ces principales modifications à la procédure d’inaptitude au travail.

Le 2ème examen n’est pas nécessaire si le médecin du travail ne le juge pas utile…S’il le réalise c’est, au maximum DANS LES 15 JOURS QUI SUIVENT (alors que précédemment ce 2ème examen devait intervenir au moins 15 jours après le premier)
« S’il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise CE SECOND EXAMEN DANS UN DELAI QUI N’EXCEDE PAS QUINZE JOURS APRES LE PREMIER EXAMEN. La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date.

Qu'est-ce qu'un licenciement pour inaptitude?

Comme tout licenciement, c’est une rupture initiée par l’employeur. Le licenciement pour inaptitude consiste dans l’impossibilité physique du salarié, reconnue par le médecin du travail, de pouvoir exécuter tout ou partie de son travail. L’origine de l’incapacité physique peut être professionnelle (résulter d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle) ou non professionnelle. Une telle incapacité peut, bien évidemment, résulter d’une difficulté physique (troubles du dos, des sens, amputation, etc.) mais encore d’une incapacité morale (trouble anxio-dépressif réactionnel résultant d’un harcèlement moral).

Doit-on redouter un licenciement pour inaptitude ?

Dans certaines situations, notamment de harcèlement où le salarié préfèrera se voir prescrire un arrêt de travail et initier une résiliation judiciaire, le licenciement pour inaptitude peut être une échappatoire procédurale intéressante.
S’il est perçu comme une menace, je ne peux que conseiller au salarié d’indiquer au médecin du travail qu’il est parfaitement apte à l’exercice de ses fonctions et d’indiquer, bien sûr par courrier recommandé avec AR, à son employeur, qu’il conteste une telle procédure.

Comment être déclaré inapte ?

Deux examens médicaux sont en principe nécessaires aux termes de l’article R.4624-31 du Code du travail. La loi prévoit que le médecin du travail peut déclarer le salarié inapte après 2 examens médicaux espacés de 2 semaines. La date du premier examen se situe à son retour dans l’entreprise à l’issue de son arrêt de travail. La date du second entretien ne doit pas avoir lieu avant le 15ème jour à partir du jour du 1er examen. Par exception, l’inaptitude peut être constatée à l’issue d’un seul examen s’il existe un danger immédiat pour la santé ou la sécurité ou si le salarié a bénéficié d’une visite de préreprise. Le licenciement prononcé ultérieurement le cas échéant sera nul si cette procédure n’est pas suivie à la lettre. Enfin, l’avis d’aptitude doit résulter d’une étude du poste du salarié et de ses conditions de travail par le médecin du travail.

La visite médicale : passage obligatoire ?

Sauf motif légitime, le salarié doit se rendre aux convocations de la médecine du travail à défaut de quoi, rappelle la jurisprudence, il commet une faute grave justifiant son licenciement. Il s’ensuit que le salarié ne pourra percevoir aucune indemnité de licenciement. Il s’agit toutefois du seul risque, puisque le bénéfice de Pôle Emploi reste, bien évidemment, ouvert à tout salarié licencié.

Peut-on agir contre un avis d’inaptitude ?

Oui, aux termes de l’article R.4624-35 du Code du travail, le salarié dispose d’un recours contre l’avis d’inaptitude, lequel doit être formé auprès de l’Inspection du Travail dans un délai de 2 mois par lettre recommandée avec accusé de réception. Ce recours doit mentionner les motifs de contestation. De la meme manière, la décision de l'inspecteur du travail pourra être contestée dans un délai de 2 mois devant le Ministre chargé du travail.

Le salarié peut-il prendre lui-même l’initiative de faire une visite médicale et par son propre médecin ?

Non, seul le médecin du travail est compétent pour recevoir et examiner le salarié dans le cadre d’une procédure d’inaptitude. La jurisprudence ne donne aucune portée juridique à l’avis du médecin traitant du salarié qui ne peut pallier l’absence de visite médicale auprès du médecin du travail (Cass. soc. 9 octobre 2001, n°98-46144). Toutefois et dans un autre registre, en cas de harcèlement moral, l’avis du médecin traitant pourra être utile pour appuyer une demande accessoire de dommages-intérêts de ce fait le cas échéant.

L’obligation de reclassement

Une fois le salarié déclaré régulièrement inapte, l’employeur doit nécessairement procéder à une recherche préalable de reclassement. Ce n’est qu’au vu de l’absence sérieuse de reclassement qu’il sera autorisé à licencier l’intéressé. Pour l’employeur, il s’agit de proposer au salarié un poste approprié à ses capacités au regard des conclusions écrites du médecin du travail. En premier lieu, il doit s’agir d’un emploi comparable à celui précédemment occupé au besoin par la mise en œuvre d’aménagements de sorte qu’aucune modification du contrat de travail ne soit imposée.
A défaut de poste équivalent, l’employeur se doit en second lieu de proposer, mais ne pas imposer, des postes emportant modification du contrat de travail.
Si l’entreprise appartient à un groupe, la recherche de postes disponibles au reclassement doit s’effectuer au sein des entreprises du groupe.

Une fois cette recherche établie, il appartient encore à l’employeur d’adresser au salarié une proposition écrite et précise sur le poste disponible au reclassement en mentionnant la qualification, les horaires de travail ainsi que la rémunération.
Un refus n’emporte pas la possibilité de licencier et l’employeur devra rechercher et proposer un autre poste s’il en existe. Ce n’est qu’en cas d’impossibilité que le licenciement pourra être notifié. Il convient enfin de noter que, passé le délai d’un mois à l’issue de la date de visite médicale de reprise, l’employeur doit reprendre le versement du salaire qui était interrompu du qu’il ne pouvait plus occuper son emploi.

Les recours

Si le licenciement n’a pas encore été prononcé et que le grief du salarié tient dans la compatibilité des postes de reclassement proposés avec les recommandations du médecin du travail, il peut en faire état auprès de son employeur qui devra solliciter à nouveau l’avis du médecin du travail. Si le grief concerne la constatation de l’inaptitude ou encore le reclassement, le salarié a tout intérêt à ne rien dire avant son licenciement et à contester celui-ci ultérieurement devant le Conseil de prud’hommes.

Faire reconnaitre la faute inexcusable de l’employeur

En cas d’inaptitude résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le salarié aura tout intérêt à intenter par ailleurs une action en reconnaissance de faute inexcusable de son employeur devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale s’il apparaît que celui-ci devait avoir conscience du dangeret n’a pas pris toute mesure nécessaire pour l’en préserver. En effet, la faute inexcusable reconnue aura pour effet de rendre sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude prononcé.