Rupture conventionnelle

Comment bien négocier sa rupture conventionnelle ?

Qu'est-ce qu'une rupture conventionnelle ? Quelle est la procédure à mettre en oeuvre pour conclure une rupture conventionnnelle ? Quels sont les avantages pour le salarié ? Comment le salarié peut-il bien négocier sa rupture conventionnelle ? Le salarié peut-il contester sa rupture conventionnelle ?

Elise OLLIVIER, Avocate au Barreau de Grenoble, est titulaire d’un MASTER II en Droit du Travail et de la Protection Sociale obtenu à l’Institut d’Etudes du Travail de Lyon. Elle exerce le métier d’avocat depuis l’année 2011 et son contentieux s’exerce pour grande partie en droit du travail.

Qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle ?

La rupture conventionnelle du contrat de travail est un mode de rupture indépendant du contrat de travail à l’image de la démission et du licenciement. Ce mode de rupture a été introduit par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (JO, 26 juin) portant modernisation du marché du travail.

Elle consiste en la rupture amiable du contrat de travail, sous couvert d’un contrôle par l’Inspection du travail.

Au titre de son caractère amiable, elle suppose l’accord du salarié et de l’employeur sur le principe de la rupture et ses conséquences, sans pouvoir être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Aussi, alors que la question est demeurée longtemps en suspens, depuis un arrêt du 15 octobre 2014 rendu par la Cour de Cassation, la rupture conventionnelle est devenue le seul mode possible de rupture amiable du contrat de travail.

Quelle est la procédure à mettre en œuvre pour conclure une rupture conventionnelle ?

La négociation d’une rupture conventionnelle suppose d’abord une série d’entretiens. Cette négociation se fait hors de tout cadre formel, sans convocation nécessaire. Il s’agit de discuter et de trouver un accord sur les modalités du départ du salarié.

Bien que cette négociation se déroule dans un cadre amiable, et compte tenu des fluctuations jurisprudentielles en la matière, il apparait que le salarié doive être informé par écrit qu'il peut se faire assister. L’assistance du salarié sera assurée selon les mêmes modalités qu’une procédure de licenciement.

Dans l’hypothèse où le salarié choisirait de se faire assister, ce dernier sera tenu d’en informer l’employeur qui s’il souhaite également se faire assister, devra lui-même en informer le salarié.

Enfin, aux termes des entretiens, et si la négociation a abouti, les parties remplissent un modèle officiel intitulé « Rupture conventionnelle d'un contrat à durée indéterminée et formulaire de demande d'homologation ».

A compter de la date de signature de la convention de rupture conventionnelle par les deux parties, chacune d'entre elles dispose d’un délai de 15 jours calendaire pour se rétracter.

Dans ce cas, la partie concernée adresse une lettre remise en main propre contre décharge ou d'une lettre recommandée avec accusé de réception à l’autre partie. Aucune justification n’a à être donnée et la rétractation rompt le processus de rupture conventionnelle, ce qui signifie que le contrat de travail a vocation à se poursuivre normalement par la suite.

En revanche, si au terme du délai, aucune partie n’a exercé son droit de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation la DIRECCTE en y joignant un exemplaire de la convention de rupture. La DIRECCTE est alors tenue d’accuser réception de la demande et d’indiquer la date d'arrivée de la demande ainsi que la date à laquelle le délai d'instruction expire.

L'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de 15 jours ouvrables (qui court à compter de la réception de la demande) pour s'assurer du respect des conditions légales et de la liberté de consentement des parties. Ce délai est impératif de sorte que l’on considère qu’intervient une homologation tacite dès lors qu'aucune réponse de l'administration n'est parvenue aux parties avant l'échéance du délai d'instruction. Aussi, une décision de refus d'homologation réceptionnée après l'expiration du délai d'instruction serait sans effet, même prise avant la fin de ce délai.

Par suite, le contrat peut être rompu au plus tôt le lendemain du jour de la notification de l'acceptation de la demande d'homologation ou, en cas de silence de la DIRECCTE après que le délai d'instruction se soit écoulé après réception de la demande par la DIRECCTE.

Les parties sont en tout état de cause libres de prévoir la date de rupture de contrat de travail (sous réserve de prendre en compte le délai d’instruction imparti à la DIRECCTE).


Pour consulter un schéma simplifié de la procédure de rupture conventionnelle cliquez ici.


Quels sont les avantages pour le salarié ?

La rupture conventionnelle est présentée comme une procédure permettant de sécuriser la rupture du contrat de travail qui entraîne la perte définitive de l'emploi.

Elle permet différentes choses :

  • D’abord la perception d'une indemnité de rupture au moins égale à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement
  • Le bénéfice d'une procédure destinée à garantir la liberté du consentement des parties.
  • Le bénéfice des allocations de chômage. En effet, au sens du règlement général du chômage, sont involontairement privés d'emploi ou assimilés les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte d'une rupture conventionnelle du contrat de travail.

Surtout, la rupture conventionnelle peut permettre de sortir rapidement d’une situation d’emploi difficile. Il convient néanmoins de rappeler qu’elle ne peut être imposée à l’employeur, de sorte qu’elle ne peut que rarement être utilisée comme moyen de pression.

Comment le salarié peut-il procéder pour bien négocier sa rupture conventionnelle ?

Il convient d’abord de rappeler que la rupture conventionnelle est un processus amiable qui procède d’une discussion entre le salarié et l’employeur. Aussi, même si cette procédure est utilisée dans un contexte de crise, la négociation ne peut se poursuivre sereinement dans l’affrontement.

Le salarié doit donc au préalable faire le point sur ce qu’il souhaite : partir simplement ou partir et obtenir la réparation d’un préjudice.

Cette deuxième hypothèse a peu de chances d’aboutir en matière de rupture conventionnelle sauf à ce que l’employeur souhaite éviter tout contentieux (à supposer que des manquements puissent lui être reprochés et que ces derniers soient suffisamment établis pour qu’il en a conscience.)

Par ailleurs, il ne faut pas omettre qu’un salarié qui souhaite quitter l’entreprise dispose de la faculté de démissionner et que la démission ne coûte rien à l’employeur. Aussi, l’aboutissement d’une négociation de rupture conventionnelle se fait un peu « au mérite ».

En outre, le salarié ne doit pas avancer un montant supérieur à ce à quoi il peut prétendre. Il convient donc de procéder au calcul de ses droits et de proposer une somme mesurée en contrepartie du départ.

Surtout, il s’agit d’être prêt à plaider la justesse de la somme demandée, avec des arguments de calculs et d’évaluation.

Il faut donc être armé d’éléments chiffrés lors de la négociation. Cela est d’autant plus vrai lorsque l’employeur est à l’initiative du processus de rupture conventionnelle …

Quel principal conseil donneriez-vous à un salarié pour bien négocier sa rupture conventionnelle ?

Garder à l’esprit que la rupture conventionnelle n’est pas un droit et savoir mesurer ses prétentions.

Si le salarié défaille dans sa négociation, peut-il intenter une action pour contester sa rupture conventionnelle ?

La rupture conventionnelle est un contrat souscrit entre l'employeur et le salarié. Il doit avoir été négociée librement, le consentement du salarié devant être exempt de dol, violence ou erreur.

Ceci signifie qu’une action sur le fondement des vices du consentement est envisageable, que ce vice porte sur le principe de la rupture ou sur ses conditions de cette rupture. Une rupture conventionnelle entachée d’un vice du consentement peut être annulée par les juges qui peuvent à ce titre prononcer la réintégration du salarié ou condamner l’employeur au versement de dommages et intérêts, étant précisé qu’en l’absence de réintégration, la rupture du contrat de travail est réputée être intervenue sans cause réelle et sérieuse.

Le vice du consentement est notamment caractérisé en situation de harcèlement moral, dans le cadre duquel le consentement du salarié est vicié.

Attention néanmoins, le délai pour contester une rupture conventionnelle est très court : un an à compter de l’homologation.

Il s’agit donc d’être particulièrement vigilant.