Rupture conventionnelle et allocations chômage : Maitre Céline ZOCCHETTO apporte son expertise !

La rupture conventionnelle est devenue en l'espace de peu de temps un mode de rupture amiable incontournable dans le monde du travail. Ce nouveau mode de résiliation a sollicité et sollicite encore énormément d'interrogations. C'est pourquoi Maitre ZOCCHETTO vient ici nous livrer son expertise sur la rupture conventionnelle et les allocations chômage.

1.Rappel de ce qu'est une rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle est une rupture du contrat de travail communément décidée par l’employeur et le salarié et concrétisée par la signature d’une convention soumise à l’homologation administrative.

Elle est définie à l’article L. 1237-11 du Code du Travail : « L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat qui les lie ».
Elle n’est pas imposée par l’une ou l’autre des parties et a donc la particularité de garantir la liberté du consentement de chacune des parties.

Le législateur a instauré la rupture conventionnelle afin de créer davantage de souplesse dans la rupture du contrat de travail.

2 exemples sont assez parlants :

  • Un salarié est en perte de motivation dans son emploi mais ne souhaite pas pour autant démissionner pour ne pas perdre le bénéfice du droit à l’assurance chômage.
  • Un employeur est conscient de la baisse de motivation de son salarié mais n’a pas de raison légitime pour le licencier et ne souhaite pas prendre ce risque et s’exposer à un éventuel contentieux.

L’intérêt de conclure ce type de rupture est donc pour le salarié de percevoir les allocations chômage et pour l’ensemble des parties, en principe, d’éviter les conflits ; l’employeur et le salarié étant consentants pour mettre un terme au contrat de travail de manière amiable et négociée. Pour en savoir plus sur la rupture conventionnelle, lisez notre dossier.

2.Rupture conventionnelle et allocation chômage: ce qui a changé au 1er juillet 2014

A.LES APPORTS DE LA NOUVELLE CONVENTION ASSURANCE CHOMAGE

Une rupture conventionnelle, sous réserve qu’elle ait été homologuée, ouvre des droits à l’allocation chômaged’un montant identique à l’allocation accordée suite à un licenciement.

La nouvelle convention assurance chômage du 14 mai 2014 entrée en vigueur le 1er juillet dernier s’applique aux personnes ayant perdu un contrat après le 30 juin 2014. Pour être indemnisé, le salarié doit avoir involontairement perdu son emploi et avoir travaillé au moins 4 mois au cours des 28 derniers mois.
La rupture conventionnelle étant une rupture consentie n’équivaut pas à une perte volontaire de l’emploi et permet donc l’indemnisation au titre de l’assurance chômage.

Deux mesures phares d’incitation au retour à l’emploi ont été mises en place :

- Le cumul salaire-allocation ;
- Les droits rechargeables (afin de permettre à un chômeur retrouvant un emploi sans avoir consommé tous ses droits à l’assurance chômage de conserver ce reliquat qui reste utilisable s’il perd à nouveau son emploi);
applicables à compter du 1er octobre 2014 à tous les demandeurs d’emploi.

Il a également été prévu les modalités suivantes :

- Renforcement des droits à indemnisation des salariés ayant plusieurs emplois ;
- Fixation d’un plancher et d’un plafond des indemnités désormais compris entre 57 et 75% du salaire journalier de référence ;
- Evolution des règles sur le différé d’indemnisation pour les salariés touchant des indemnités supérieures au minimum légal au moment de la rupture de leur contrat de travail avec un allongement du différé (Voir explication sur le délai de carence ici);
- Modification de certaines règles applicables aux intermittents du spectacle ;
- Règles spécifiques pour les seniors de plus de 61 ans.

B. UN NOUVEAU CALCUL DU DELAI DE CARENCE

Les indemnités supra-légales, indemnités supérieures au minimum légal, entraînent un différé d’indemnisation, c’est-à-dire un décalage dans le temps de la date de départ du versement de l’allocation chômage.

Le différé d’indemnisation (délai de carence) est désormais proportionnel au montant des indemnités supra-légales (et non plus au salaire perdu).

Le différé spécifique d’indemnisation est plafonné à 180 jours (environ 6 mois), ce qui signifie que, quelque soit le montant des indemnités supra-légales, le décalage du versement de l’allocation chômage ne peut pas dépasser ce délai (jusqu’ici, le différé d’indemnisation ne pouvait dépasser 75 jours).

Ce différé spécifique s’ajoute au « délai d’attente » de 7 jours qui s’applique systématiquement à l’ensemble des demandeurs d’emploi pris en charge par l’assurance chômage.

Il suffira de diviser par 90 le montant des indemnités supra-légales pour obtenir la longueur du différé d’indemnisation.

C. MISE EN PRATIQUE DU CALCUL DES INDEMNITES

Pour établir le montant journalier brut de l’allocation chômage, il faut calculer le salaire journalier de référence (SJR).
Celui-ci est égal à la somme des rémunérations brutes (salaires, primes, 13ème mois) sur la période de référence (généralement les 12 derniers mois travaillés) divisée par le nombre de jours ayant donné lieu à rémunération (ce qui n’est pas le cas, par exemple, des congés sans solde).

Il convient, ensuite, de prendre le montant le plus élevé entre :

- 40,4% du SJR + 11,72 euros (depuis le 1er/07/14) ;
- 57% du SJR
Ce montant ne pouvant être inférieur à 28,58 % et étant plafonné à 75% du SJR.

Pour ensuite calculer le délai de carence, il faut déterminer la différence entre les indemnités de rupture (indemnités supra-légales) et l’indemnité légale et de la diviser par 90.

3. UNE MESURE QUI PENALISE LES CADRE

Le nouveau mode de calcul du délai de carence vient pénaliser les cadres ou, plus largement ceux bénéficiant d’indemnités de rupture supérieures au minimum légal. En effet, plus les indemnités sont importantes, plus le délai de carence s’allonge.
Les salariés les mieux payés, touchant a minima 6.750 euros (somme qui correspond à l’actuel délai maximum de 75 jours), bénéficiant davantage de « bonus » que les autres salariés sont pénalisés ces derniers devant attendre 6 mois avant de bénéficier d’allocations chômage.

Les salariés privilégient hâtivement ce mode de rupture de leurs contrats de travail étant rassurés par le fait qu’ils ne perdront pas le bénéfice des allocations chômage. En revanche, ils omettent, bien trop fréquemment, qu’en sus du délai d’attente de 7 jours, ils devront patienter encore quelques mois avant de percevoir des indemnités chômage. Beaucoup de demandeurs d’emploi expriment donc leur désarroi n’ayant pas anticipé (financièrement) sur ce délai de carence au cours duquel ils ne percevront aucune indemnité.
Il est regrettable que les salariés ne soient pas mieux informés ou conseillés lors d’une rupture conventionnelle. Il s’agit donc d’un élément de négociation à prendre en compte. (Pour des conseils de négociation sur la rupture conventionnelle, cliquez ici).

CONCLUSION - CONSEILS AUX SALARIES

Il est indispensable pour le salarié d’immédiatement s’inscrire à POLE EMPLOI car le décompte des jours différés ne débute qu’à partir du moment où l’inscription à POLE EMPLOI est prise en compte.

De plus, si le demandeur d’emploi attend plus d’un an après la rupture pour s’inscrire à POLE EMPLOI, il perd son droit au bénéfice des allocations chômage.


Le petit plus de l'expert:

La Cour de Cassation, dans un arrêt récent rendu le 5 novembre dernier (Cass. Soc. 5.11.14, n° 13-16372), a rappelé l’importance de cet élément de négociation que peut être le bénéfice des allocations chômage lequel constitue souvent (pour ne pas dire systématiquement) un élément substantiel dans la prise de décision par le salarié.
Ainsi,  un salarié qui se voit délivrer par son employeur des renseignements manifestement erronés quant au calcul de l’allocation chômage peut solliciter la nullité de la rupture conventionnelle dès lors que lesdits renseignements constituaient l’élément déterminant à son consentement à la rupture.
La rupture conventionnelle ayant pour essence de privilégier le libre consentement des parties doit, en effet, être annulée lorsque le consentement d’un salarié est vicié par les informations erronées transmises par l’employeur.

Rappelons, qu’un employeur est astreint à une obligation de préciser au salarié qu’il a la possibilité de contacter, notamment, le POLE EMPLOI afin d’être conseillé dans sa prise de décision en pleine connaissance de ses droits (ANI du 11 janvier 2008).
Dans cette affaire il convient de préciser que ce n’est pas le défaut d’information qui a été sanctionné mais plutôt que le salarié a été induit en erreur. La portée de la décision susmentionnée doit donc être relativisée.