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Le référendum d’entreprise vu par un avocat

Depuis peu, il est possible pour les salariés de donner leur avis sur certaines décisions stratégiques de leur propre entreprise grâce au référendum d’entreprise.
Quelles sont les conditions de conclusions d’un accord collectif ? A quel moment un référen-dum peut-il avoir lieu ? A l’initiative de qui ? Quels sont les risques d’un tel processus ? Autant de questions auxquelles Maître Dalila Madjid, avocat au barreau de Paris, experte dans la défense des droits des salariés, a bien voulu nous répondre. Elle nous fait part de son expérience et de son expertise en la matière.

En effet, cette thématique nécessite un éclairage au vu de son évolution législative récente et complexe.

1. Quelles sont les règles de conclusion pour la validation d’un accord collectif ?

Un accord doit être signé par un ou plusieurs syndicats majoritaires ou à défaut approuvés par une majorité de salarié.

Plus précisément, un accord est valide s’il est signé par l’employeur et par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des dé-légués du personnel, quel que soit le nombre de votants.

A défaut d’être majoritaire, un accord peut toutefois être validé si les deux conditions suivantes sont remplies :

  • Il a été signé par l’employeur et des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles des titulaires au comité d’entreprise ou de la déléga-tion unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ;

  • -et, les salariés ont approuvé l’accord à la majorité par un vote.

2. Qu’est-ce que le référendum d’entreprise ?

Le référendum d’entreprise est une consultation ayant pour objectif de valider un accord entre un employeur et des syndicats qui ne sont pas majoritaires mais qui ont recueilli au moins 30% des voix.

Par exemple, le référendum peut porter sur le temps de travail ou le travail dominical.

EXEMPLE:

Deux référendums d'entreprise ont été entrepris. Un chez Novo Nordisk, un autre dans l'entreprise RTE. 

Pour la première, la CFDT représentative à 44% (donc pas suffisamment pour signer conclure directement un accord) a signé un accord concernant l'allongement d’une vingtaine de minutes la journée des équipes en travail posté, sans hausse de salaire, pour doper la productivité. Un référendum est donc initié par cette organisation syndicale. Finalité, les 1 100 salariés de l'entreprise ont voté "oui" à 65%. En l'éspèce, le référendum répond totalement à l'objectif du ministère qui l'a instauré. Auparavant, le droit d'opposition des organisations syndicales majoritaires auraient totalement bloqué l'accord, alors même que la volonté des salariés concernés est de conclure l'accord.

Chez RTE, la situation inverse s'est produite. Les salariés ont massivement répondu non dans les urnes.

3. Qui l’a instauré ? Pourquoi ?

La loi travail, connue sous le nom de loi El Khomri, adoptée le 21 juillet 2016 a mis en plis en place le référendum d’entreprise.

Elle a été mise en place pour améliorer la démocratie à l’intérieur de l’entreprise, autrement dit, elle permet aux salariés de participer directement au dialogue social. 

Note par Coin du salarié : La conclusion de conventions et accords collectifs d’entreprise a fait l’objet de nombreuses réflexions. Elle fut le fruit d’une lente évolution que nous avons détaillé dans la première partie de notre article sur le référendum d’entreprise.

4. A l’initiative de qui les salariés peuvent être soumis à un référendum d’entreprise ?

L’initiative de la consultation des salariés peut émaner d’une ou plusieurs organisations syndi-cales signataires de cet accord, à condition qu’elles représentent plus de 30 % des suffrages exprimés au premier tour en faveur d’organisations représentatives des dernières élections pro-fessionnelles.

Cette consultation ne peut pas être initié par l’employeur, ni par les salariés eux-mêmes.

5. Recemment, nous avons vu que le projet de loi du nouveau gouvernement parlait d'ouvrir cette initiative de référendum à l'employeur. Qu'en pensez vous?

A mon sens, il convient de mettre en place un référendum d’initiative partagée, afin d’éviter tout abus ou position dominante de l’employeur, à savoir un référendum sur une initiative de l’employeur soutenue par les salariés. Afin d’éviter que des mesures moins avantageuses ou contraignantes aux salariés soient adoptées, et dont ils n’ont pas mesuré les risques le jour du vote.


CONCLUSION DE NOTRE REDACTION :

Le référendum d’entreprise est donc le fruit d’une volonté positive, faire participer les salariés directement aux décisions importantes de l’entreprise.

Cependant, ce procédé nouveau est sans nul doute perfectible. Comme le précise Maitre Dalila Madjid, il conviendrait d’envisager un système à initiative partagée. En effet, les abus de l’employeur lorsqu’ils existent, même s’ils ne sont pas légions, peuvent être désastreux pour les salariés en position de faiblesse. C’est ce qui est arrivé dans l’entreprise Smart de Meurthe et Moselle où les salariés, par crainte de voir leur usine délocalisée en Slovénie, ont accepté un passage aux 39 heures payées 37. Cela ressemble fortement à du chantage à l’emploi, le principal risque dénoncé par la CGT.