Sanctions

Sanctions et procédure disciplinaire

Votre employeur en vertu de son pouvoir disciplinaire dispose d'une large palette de sanctions en fonction de la faute reprochée. Chaque sanction est spécifique, n'a pas les mêmes conséquences ni la même procédure.

Maitre KOCHEL, après avoir débuté au Barreau de Paris dans un Cabinet d’Avocats réputé, s'est installé au barreau de Lyon en 2013.

Situé à proximité immédiate du nouveau Palais de justice, il a  pour activités dominantes le droit du travail, qu'il enseigne en parallèle à l’Université Jean-Moulin Lyon III, ainsi que le droit pénal (droit pénal du travail, droit pénal des affaires et droit pénal général).

Il revient sur ce point.

1. Champ d'application du pouvoir disciplinaire de l'employeur

Le pouvoir disciplinaire de l’employeur a pour objet de sanctionner un comportement fautif du salarié en relation avec le contrat de travail.

Il participe à la définition elle-même du contrat de travail : l‘existence d’un contrat de travail suppose en effet un lien de subordination, caractérisé par les pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction de l'employeur sur le salarié.

Il n’y a donc pas de contrat de travail sans pouvoir de sanction. C’est d’ailleurs l’employeur qui définit lui-même les conditions d’exercice de son pouvoir de sanction, à travers le règlement intérieur obligatoire pour les entreprises de plus de vingt salariés, et qui contient les règles générales et permanentes relatives à la discipline dans l’entreprise. Dans les entreprises de moins de vingt salariés, l’employeur n’en exerce pas moins son pouvoir disciplinaire, inhérent à son statut d’employeur. Bien entendu, cela ne veut pas dire qu’il s’agit d’un pouvoir sans limite.

Des exemples?

Notamment, tout ne peut pas donner lieu à sanction : pour faire simple, ne peut être sanctionné que ce qui peut valablement constituer une faute ayant un lien avec le travail du salarié.

Ainsi par exemple, une sanction disciplinaire ne peut pas être motivée par une discrimination ou par l’exercice d’une liberté par le salarié, sauf abus. C’est le cas par exemple pour la liberté d’expression : la Cour de cassation a considéré qu’un employeur ne pouvait valablement délivrer un avertissement à une salariée qui s’était contenté de signer une pétition qui portait sur une demande de personnel supplémentaire et qui ne contenait aucun propos injurieux, diffamatoire ou même excessif.

A l’inverse, dans une autre affaire, elle a jugé que des accusations mensongères formulées dans une lettre adressée aux membres de la direction et du comité d'entreprise constituaient des propos diffamatoires et excessifs caractérisant un abus de la liberté d'expression du salarié et justifiant dès lors son licenciement pour faute grave.

Enfin, l’employeur est également limité lorsqu’il édicte son règlement intérieur, puisque selon le Code du travail, ce règlement ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché. En conséquence, si une disposition du règlement intérieur s’avère contraire à cette interdiction, l’employeur ne pourra pas valablement sanctionner un salarié qui n’aurait pas respecté cette disposition illégale.

2. Les sanctions disciplinaires

A. LES DIFFERENTS TYPES DE SANCTIONS

Pour les entreprises de plus de vingt salariés, l’employeur prévoit dans le règlement intérieur les différentes sanctions qu’il se réserve le droit de prendre à l’égard d’un salarié ne respectant pas ce règlement.

Généralement, dans la liste des sanctions figurant dans le règlement intérieur, on peut retrouver, par ordre de gravité croissant : l’avertissement ou le blâme, la mise à pied disciplinaire, la mutation, la rétrogradation, le licenciement pour faute, le licenciement pour faute grave, enfin le licenciement pour faute lourde.

Cela étant, l’employeur n’a pas toute latitude dans le choix des sanctions : les sanctions choisies doivent en effet respecter, le cas échéant, la convention collective, ainsi que la loi, ce qui implique par exemple que l’employeur ne peut prendre aucune sanction financière à l’égard d’un salarié.

D’autre part, une fois qu’il est établi, le règlement s’impose également à l’employeur : de ce fait, celui-ci ne peut pas prononcer une sanction disciplinaire non prévue par le règlement (à l’exception du licenciement).

Enfin, les sanctions prévues doivent être précisément définies. Par exemple, la durée maximale d’une mise à pied disciplinaire doit être prévue par ce règlement.

B. LEURS CONSEQUENCES

Un avertissement, par exemple, sans être anodin, n’a pour effet que de prévenir le salarié que son comportement est inadéquat, qu’il doit en changer pour se conformer au règlement de l’entreprise, sans quoi l’employeur, lors d’un prochain manquement du salarié, pourrait en tirer les conséquences, et prendre des sanctions plus sévères… étant précisé toutefois qu’au bout de trois ans, une sanction passée ne peut plus être invoquée à l’appui d’une sanction plus grave en cas de nouveau manquement du salarié (on parle de prescription de la faute).

La rétrogradation, pour prendre un autre exemple, s’avère beaucoup plus lourde, puisqu’elle implique un changement de poste ou une diminution de responsabilité, et, conséquence directe, une diminution de salaire.

Quant au licenciement, il met fin à la relation de travail avec des conséquences variables pour le salarié selon que ce licenciement est prononcé pour une faute réelle et sérieuse, pour une faute grave (il est alors privé de son préavis et son indemnité de licenciement) ou pour faute lourde (le salarié peut en outre être condamné à verser des dommages-intérêts à son employeur ; il est également de son indemnité de congés payés).

C. LA FORME DES SANCTIONS: ECRITE OU ORALE

Ecrite, c’est la loi qui le prévoit (article L1332-1 du code du travail)

3. Le salarié face à un avertissement

A. QUAND DOIT-IL S'INQUIETER

Il n’y a pas de règle en la matière, les cas de figure étant multiples.

Pour grossir le trait, de façon générale et quelles que soient les termes de la convention collective ou du règlement intérieur, il est évident que plusieurs avertissements, qui plus est relatifs au même sujet et sur une courte période, doivent alerter le salarié sur l’éventualité de mesures plus lourdes si la situation n’évolue pas (sous réserve de la prescription de trois ans précédemment évoquée).

Cela étant, l’avertissement n’est pas forcément un passage obligatoire : sauf mention contraire du règlement intérieur ou de la convention collective, une faute isolée peut suffire à justifier un licenciement, sans que le salarié concerné n’ait préalablement fait l’objet d’une quelconque sanction...

B. QUE PEUT-IL FAIRE POUR SE PROTEGER

Si le salarié estime infondés les éléments qui lui sont reprochés et qui ont conduit à cet avertissement, il peut écrire à son tour à l’employeur, pour contester point par point ces éléments. Il convient dans ce cas de figure de garder une copie de ce courrier et de l’envoyer à l’employeur en recommandé avec accusé de réception.

Un recours devant le Conseil de Prud’hommes est également possible, afin de contester la mesure

4. La mise à pied disciplinaire

A. QUAND PEUT-ELLE ETRE UTILISEE

Le droit disciplinaire du travail ne doit pas être confondu avec le droit pénal, où préside de façon extrêmement stricte le principe de légalité des délits et des peines (je commets tel acte prédéfini par les textes, je risque telle peine prédéfinie par ces textes…). En effet, en droit du travail, si les sanctions doivent être prévues dans le règlement intérieur, les cas de figure pouvant entraîner ces sanctions n’ont pas, eux, à être définis à l’avance. Cela étant c’est parfois le cas, dans certains règlements ou conventions collectives : dans ce cas l’employeur est lié par les sanctions prévues à l’avance pour une faute déterminée, c’est-à-dire qu’il ne peut prendre une sanction plus sévère que celle prévue.

Mais la corrélation faute déterminée-sanction déterminée n’est pas du tout systématique et le plus souvent, face à une faute de son salarié qu’il estime devoir être sanctionnée, l’employeur a donc toute latitude dans le choix de la sanction, tant qu’elle reste proportionnée et qu’elle est prévue par son règlement intérieur… Il n’est donc pas possible d’énumérer les cas dans lesquels la mise à pied disciplinaire peut être prononcée.

Ce que l’on peut dire, c’est que la mise à pied disciplinaire est une sanction qui implique une suspension du contrat de travail : le salarié se voit interdire de venir travailler durant un temps donné, durant lequel il ne perçoit dès lors pas de rémunération. Il s’agit donc d’une sanction déjà lourde dans la palette de sanctions dont dispose l’employeur, tant du fait de la symbolique (le salarié n’est plus sur le lieu de travail) que de la privation de salaire qui en découle. En toute hypothèse, comme toutes les sanctions, la mise à pied disciplinaire ne peut être appliquée que si elle est proportionnée à la faute commise par le salarié. Cette notion de proportionnalité implique donc une évaluation au cas par cas de l’adéquation de la sanction à la faute commise

B. NE PAS LA CONFONDRE

Contrairement à la mise à pied disciplinaire, la mise à pied conservatoire n’est pas une sanction. C’est une mesure temporaire, qui s’applique dans les cas les plus graves : le salarié est tenu à l’écart de l’entreprise durant tout le temps de la procédure disciplinaire, jusqu’à ce que l’employeur lui notifie la décision qu’il a prise à son encontre. L'employeur qui notifie une mise à pied conservatoire doit très rapidement engager la procédure disciplinaire qui aboutira à la sanction, sauf s’il existe un motif légitime pour justifier un délai entre cette mise à pied et l’engagement de la procédure (par exemple, si l'employeur doit enquêter sur les faits reprochés au salarié).

Durant la mise à pied conservatoire le salarié ne perçoit aucun salaire.

Enfin, à l’issue de la procédure disciplinaire, le salarié sera rémunéré ou non, selon la sanction prononcée in fine par l'employeur.

Si celui-ci prononce un licenciement pour faute grave ou lourde, le salarié ne sera pas rémunéré pendant la période de mise à pied conservatoire ;

S'il prononce au final une sanction moindre ou un licenciement pour un motif non disciplinaire, le salarié devra être rémunéré rétroactivement pour cette période.

C. LE SALARIE PEUT-IL CONTESTER UNE MISE A PIED DISCIPLINAIRE

Là encore, s’il estime les faits infondés, le salarié peut contester la mesure auprès de l’employeur, par courrier recommandé avec accusé de réception, dont il gardera copie. De même s’il estime la mesure disproportionnée.

Par ailleurs, j’ajoute que de façon générale il est possible de contester toute mesure disciplinaire devant le Conseil de Prud’hommes. S’agissant de la mise à pied disciplinaire, dans la mesure où il existe un enjeu financier, le recours au CPH peut être une solution permettant de se voir restituer les salaires qui n’ont pas été versés au salarié, si le CPH décide d’annuler la sanction. Les cas de figure d’annulation possible d’une sanction sont nombreux : non-respect des délais, des formes exigées dans la procédure, faits reprochés inexistants ou non fautifs, sanction disproportionnée …

Le cas échéant, le CPH peut annuler la sanction ou choisir d’indemniser le salarié.

Je précise à cet égard qu’en matière de licenciement les règles sont différentes, notamment dans la mesure où cette sanction ne peut faire l’objet, en principe, d’une annulation.

Pour revenir plus précisément à la mise à pied, la durée de la mesure peut être une source de contestation possible devant le CPH. En effet, en l’absence de règlement intérieur et en cas de silence de la convention collective, elle doit être d’une durée raisonnable, appréciée par le juge au cas par cas. Par ailleurs, en présence d’un règlement intérieur, elle ne peut excéder la durée prévue dans ce règlement. De même, la convention collective doit être respectée, si elle précise la durée maximale de la mise à pied. Enfin, la cour de cassation a récemment jugé que si le règlement intérieur prévoit la mise à pied comme sanction mais sans en déterminer la durée maximale, cette sanction ne peut valablement être appliquée…Il existe donc de nombreux cas pouvant éventuellement, le cas échéant, donner lieu à l’annulation de la mise à pied disciplinaire…

5. La rétrogradation 

A. A PARTIR DE QUAND Y A T-IL ABUS

Comme je l’indiquais précédemment, sauf stipulations spécifiques de la convention collective ou du règlement intérieur, il n’y a généralement pas de cas préétablis entraînant une rétrogradation disciplinaire. Aussi, comme je l’expliquais pour la mise à pied disciplinaire, il faut, pour que la rétrogradation disciplinaire soit valable, que cette sanction soit prévue par le règlement intérieur de l’entreprise et qu’elle soit proportionnée à la faute commise. Bien que cette notion de proportionnalité implique un examen au cas par cas, il est bien évident, compte tenu de la gravité de la rétrogradation, qui implique une diminution de responsabilité et de rémunération, que la faute sanctionnée doit revêtir un certain degré de gravité.

B. QUE PEUT FAIRE LE SALARIE

Tout d’abord, comme je l’indiquais pour la mise à pied, il est possible de former une action devant le Conseil de prud’hommes, afin de demander l’annulation de la sanction, si le salarié dispose d’arguments en ce sens (procédure non respectée, faits contestés, sanction disproportionnée…)

Par ailleurs, une rétrogradation, du fait notamment de la baisse de salaire qu’elle implique, emporte modification du contrat de travail. Or, il ne peut y avoir modification du contrat de travail sans l’accord du salarié, même lorsque cette modification est justifiée par des motifs disciplinaires. Il s’en suit que l'employeur doit informer le salarié de son droit d'accepter ou de refuser cette modification de son contrat de travail et que la rétrogradation n’est opposable au salarié que si celui-ci l’a explicitement acceptée. Ainsi, le simple silence ou la poursuite du contrat dans les conditions de la rétrogradation ne suffisent pas à caractériser son accord.

Le salarié peut donc refuser la rétrogradation. Face à ce refus, l’employeur ne pourra pas le considérer comme démissionnaire, mais pourra en revanche prononcer une sanction qui viendra en remplacement de la sanction de rétrogradation. Cette nouvelle sanction pourra, selon les faits reprochés, être plus légère mais également plus sévère, un licenciement étant tout à fait possible, à condition d’être proportionné aux faits reprochés et d’être bien motivé par les griefs ayant donné lieu à la sanction initiale de rétrogradation. En clair, le licenciement éventuel ne pourra être justifié par le refus de rétrogradation lui-même, ce refus étant un droit du salarié.

6. La procédure disciplinaire

A. UNE PROCEDURE PAR SANCTION?

Non. Le Code du travail distingue deux groupes de sanctions, qui selon leur gravité donnent lieu à entretien préalable ou non.

Toutefois il est toujours important de vérifier le règlement intérieur et la convention collective, pour s’assurer de la bonne procédure applicable, car il n’est pas rare en matière de procédure disciplinaire que des exigences complémentaires protectrices du salarié y figurent. Bien entendu je ne vous présente ici que les règles minimales à respecter, posées par le code du travail. Comme je l’indiquais, cette procédure varie selon le type de sanction :

Le premier groupe de sanctions concerne celles qui ont une incidence sur la présence du salarié dans l'entreprise ou sur sa fonction, sa carrière ou sa rémunération, et qui donnent lieu, dès lors, à la procédure normale, qui comprend un entretien : il s’agit notamment de la mise à pied disciplinaire, de la mutation, de la rétrogradation ou encore du licenciement. Par ailleurs, il existe des conventions collectives ou des règlements intérieurs prévoyant qu’un licenciement pour faute simple ne peut avoir lieu si antérieurement le salarié n’a jamais fait l’objet d’une sanction. Dans ce cas précis, un avertissement a potentiellement une incidence sur la présence du salarié dans l’entreprise, puisqu’il permet à l’employeur, en cas de nouvelle faute, d’envisager un licenciement. Pour ces situations particulières, la Cour de cassation a jugé qu’un avertissement devait alors donner lieu à la procédure disciplinaire normale incluant un entretien.

Cette procédure disciplinaire normale s’articule de la façon suivante : dans les deux mois qui suivent la découverte des faits qu’il estime fautifs, l’employeur convoque par écrit le salarié, en lui précisant l’objet de cette convocation. A noter que si la sanction envisagée est un licenciement, le délai séparant la première présentation de la lettre de convocation (en main propre ou en recommandé) et la date de l'entretien est de cinq jours ouvrables. Dans les autres cas, ce délai doit être raisonnable, pour permettre au salarié de préparer son entretien. Le salarié est ensuite  entendu au cours de l’entretien, dans le cadre duquel il peut se faire assister d’une personne de son choix appartenant en principe à l’entreprise. L’employeur expose les motifs de l’entretien et recueille les explications du salarié. A l’issue de cet entretien, l’employeur a un mois pour prendre une éventuelle sanction (qui ne peut cependant être prise moins de deux jours après la fin de l’entretien). La sanction prise doit être notifiée au salarié par écrit et motivée.

Le deuxième groupe de sanctions vise celles qui n’ont pas d’incidence sur la présence du salarié dans l'entreprise ou sur sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Il s’agit concrètement des avertissements et blâmes. Ces sanctions donnent lieu à une procédure allégée, sans entretien préalable. Ainsi, dans un délai maximum de deux mois après que l'employeur a eu connaissance des faits qu'il estime fautifs, le salarié se voit directement notifié par écrit la sanction prise à son encontre et les motifs la justifiant.

B. QUELLE PROCEDURE EST LA PLUS LOURDE?

Il n’y a pas de procédure plus lourde que celles présentées, hormis le cas particulier des représentants du personnel. Cela étant, le licenciement est bien évidemment la sanction la plus lourde de conséquences, qui appelle dès lors une vigilance toute particulière lors de la procédure, tout particulièrement lorsque l’employeur décide de licencier son salarié pour faute grave ou lourde (un impératif de célérité s’imposant en pratique à l’employeur pour engager la procédure dès lors qu’il a eu connaissance des faits reprochés).


Conclusion

Le salarié doit rester vigilant à toutes les étapes afin de s’assurer que ses droits sont respectés. En effet, les causes possibles de contestation d’une sanction sont nombreuses : non-respect de la procédure, non-respect de stipulations de la convention collective, sanction pécuniaire interdite, sanction non motivée, sanction disproportionnée voire injustifiée, sanction discriminatoire…  le juge pourra, selon les cas, annuler la sanction, octroyer des dommages et intérêts et/ou accorder des rappels de salaires.

Le droit disciplinaire est un droit complexe.

Ainsi, lorsqu’un salarié est confronté à une procédure disciplinaire, il lui sera toujours utile de consulter les stipulations de la convention collective et du règlement intérieur, dans la mesure où ces textes conditionnent l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire