Congé sans solde et droit social : le regard d'un avocat

I- Congé sans solde, ce qu’il faut savoir

a) Le congé sabbatique, 36 mois d’ancienneté minimum

Le congé sabbatique est réservé aux salariés ayant une ancienneté dans l'entreprise d'au moins 36 mois, consécutifs ou non, ainsi que de 6 années d'activité professionnelle (C. trav. art. L.3142-92), dont la durée est comprise entre 6 et 11 mois (C. trav. art. L.3142-91).

b) Le congé sans solde : un accord employeur-salarié

« Le congé sans solde n’est pas rémunéré…Cependant, l’accord employeur-salarié peut prévoir l’utilisation du compte épargne temps, et même certaines convention collectives prévoient que c’est un droit ». (ex : article 6.10 de la Convention collective de l’animation)

Enfin, il faut savoir que le salarié cotise pour sa retraite uniquement dans le cas où la prévoyance de l’entreprise la prend à sa charge, mais cela reste très théorique. Le projet doit donc être prévu en ayant conscience que ni les trimestres ni aucune cotisation ne seront pris en compte, ce qui n’empêche évidemment pas de mettre en place une prévoyance retraite volontaire. En outre, le salarié faisant toujours partie des effectifs, il reste bénéficiaire de la mutuelle à laquelle l’entreprise aurait souscrite, mais aussi aux cotisations, le cas échéant.

Une fois mis en place, le salarié n’a aucune obligation de justifier de son utilisation (Cass. Soc. 13 février 2001 n° 98-43.047). Je conseille néanmoins, dans la mesure où le salarié est désireux de mener son projet tout en restant en bons termes avec son employeur, d’informer celui-ci. En effet,

II- Congé sans solde et suspension du contrat de travail

Je me souviens d’un salarié qui avait été licencié pour faute grave après avoir créé son site internet annonçant l’ouverture prochaine d’une entreprise concurrente de celle de son employeur, pendant son congé sans solde… Il a été licencié pour faute grave. Il n’y avait rien à faire de ce côté car le licenciement avait été fait rigoureusement. J’ai ouvert le dossier parce que le salarié avait été rémunéré au forfait-jour sans que les règles ne soient respectées, ce qui lui donnait droit à un rappel de salaire sur la base de 35 heures, et l’on pouvait remonter sur 5 ans. Mais c’est une autre histoire.

III- Congé sans solde : retour à l’emploi et abus des employeurs

a) « La garantie d’emploi au retour n’existe que dans la mesure du possible. »

A l’issue d’un congé sans solde, l’entreprise a l’obligation de réintégrer le salarié à un poste équivalent, en conservant le bénéfice du grade qu'il avait au moment de son départ et la rémunération correspondante (ex : Cass. Soc. 2 juillet 1987 n° 84-43.211). Mais nous allons voir que cette « obligation » n’en est pas une à proprement parler…

b) L’entreprise peut être tentée de contourner son obligation de réintégration

Généralement, l’entreprise contourne son obligation de deux manières :

  • Dans une première hypothèse, elle prend quelqu’un qui lui plaît en CDI sur le poste et prétexte que le poste est déjà pourvu, lors du retour du salarié. Dans ce cas, je demande la communication, sous astreinte s’il le faut, du registre du personnel et je regarde à quelle date et dans quelles conditions ce recrutement a eu lieu. La Cour de cassation juge que lorsque l’absence de poste disponible est imputable à l’employeur, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Notez que l’employeur peut embaucher en CDD de remplacement sans référence à la durée ou au délai de carence, ce qui explique cette position de la Cour de cassation.

IV- L’avenir des congés : vers plus de mobilité externe

Un diagnostic fait l’unanimité aujourd’hui : les salariés français ne sont pas assez mobiles géographiquement mais aussi professionnellement. Le congé sabbatique, très encadré, avait pour objectif de donner du temps libre au gens, c’était pensé avant le tournant de la rigueur de 1983.

Aujourd’hui, la loi de sécurisation de l’emploi, qui est sur le bureau du Conseil constitutionnel depuis le 15 mai dernier, crée la mobilité externe, sur la base de l’ANI du 11 janvier 2013 dont on parle beaucoup en ce moment.
Le dispositif à venir permettra au salarié d’une entreprise de plus de 300 salariés, de travailler pour une autre entreprise – non concurrente- pendant une durée fixée d’un commun accord. Cela permettra à celui qui souhaite changer de voie de conserver le droit au retour dans l’entreprise en cas d’échec du projet.