Litiges

L'inaptitude physique du salarié : procédure et moyens de contestation

La loi Travail du 8 Août 2016 avait modifié en profondeur les règles applicables en matière d’inaptitude physique du salarié. Ces nouvelles règles sont entrées en vigueur le 1er janvier 2017.

Un décret du 10 mai 2017, puis les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, ont apporté des corrections au dispositif. Cette dernière réforme entrera en vigueur, sur ce point, au plus tard le 1er janvier 2018.

Sommaire

I) La procédure de constatation de l’inaptitude physique

A) La constatation par le médecin du travail

B) La rédaction et la notification de l’avis d’inaptitude

II) Le recours contre l’avis du médecin du travail

III) L’obligation de reclassement pesant sur l’employeur

IV) La rupture du contrat de travail

I) La procédure de constatation de l’inaptitude physique

A) La constatation par le médecin du travail

L’article R4624-42 du Code du travail dispose aujourd’hui que l’inaptitude du travailleur à son poste de travail ne peut être prononcée par le médecin du travail que s’il a respecté quatre étapes :

  • La réalisation d’un examen médical de l’intéressé, accompagné, le cas échéant, d’examens complémentaires,
  • La réalisation d’une étude de poste,
  • La réalisation d’une étude des conditions de travail dans l’établissement et indication de la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée,
  • Des échanges avec l’employeur sur les mesures envisagées.

L’article L4624-5 prévoit aussi que le médecin du travail reçoit le salarié en entretien « afin d’échanger sur l’avis et les indications ou les propositions qu’il pourrait adresser à l’employeur. »

Il faut savoir de plus que l’exigence de deux examens médicaux, espacés de 14 jours minimum, n’est plus systématique. En effet, lorsque le médecin du travail estime nécessaire, un second examen peut avoir lieu dans les 15 jours maximum.

B) La rédaction et la notification de l’avis d’inaptitude

Le médecin du travail doit rédiger un avis, formalisé par des conclusions écrites et assorti d’indications sur :

  • Le reclassement du salarié,
  • La capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

La notification de l’avis d’inaptitude intervient au plus tard dans les 15 jours de la constatation de l’inaptitude.

Il convient de préciser que, c’est toujours à partir de l’examen médical qui constate l’inaptitude (le premier, ou le second) et non au regard de la date de notification de l’avis que court le délai d’un mois à l’expiration duquel, si le salarié n’est ni reclassé ni licencié, l’employeur devra reprendre le versement du salaire.

L’avis s’impose à l’employeur qui doit respecter les préconisations du médecin du travail.

II) Le recours contre l’avis du médecin du travail

La loi Travail du 8 Août 2016 avait prévu que, en cas de contestation des éléments de nature médicale qui justifient les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, il était possible de saisir le conseil de prud’hommes en référé pour demander la désignation d’un médecin expert, dans un délai de 15 jours à compter de leur notification.

Le décret du 10 mai 2017 a ensuite précisé que la décision du Conseil se substituait aux éléments contestés.

Les modifications apportées par les ordonnances Macron :

  • La contestation peut dorénavant porter sur la « décision du médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale » et non plus seulement sur les éléments médicaux. Donc, tous les écrits du médecin du travail pourront désormais être contestés tel que l’étude de poste préalable ou les préconisations de reclassement.
  • Le Conseil de prud’hommes n’est plus tenu de désigner un médecin-expert. Il peut seulement le faire s’il l’estime utile, comme il peut consulter le médecin inspecteur du travail. Les prud’hommes sont dorénavant compétents pour se prononcer au fond et donc, apprécier des éléments médicaux sans l’aide d’un médecin-expert. C’est problématique : comment une juridiction prud’homale pourrait apprécier des éléments médicaux sans l’avis d’un expert ?
  • Les éléments contestés peuvent être notifiés à un médecin mandaté par l’employeur.
  • Les honoraires et frais liés à une éventuelle mesure d’instruction sont dorénavant mis à la charge de la partie perdante, sauf décision contraire du Conseil. Par ailleurs, le montant des frais sera fixé par arrêté ministériel.

III) L’obligation de reclassement pesant sur l’employeur

L’employeur doit chercher à reclasser le salarié déclaré inapte, en respectant les préconisations du médecin du travail.

La procédure est désormais la suivante, quelle que soit l’origine de l’inaptitude :

  • En premier lieu, les représentants du personnel doivent être consultés avant la proposition d’un poste de reclassement au salarié déclaré inapte,
  • Puis, lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il doit lui faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement,
  • Enfin, l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail. En effet, jusqu’à présent, il appartenait à l’employeur de poursuivre ses recherches.

Il faut préciser que l’employeur peut désormais être dispensé de rechercher un reclassement, lorsque le médecin du travail a fait figurer, sur son avis, l’une des deux mentions suivantes :

  • Soit que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé »,
  • Soit que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

On vise deux types de situation :

  • Le cas du salarié victime d’une maladie grave (un cancer),
  • Le cas du salarié dont l’inaptitude physique a pour origine un harcèlement moral.

Dans ce cas, et uniquement dans ce cas, l’employeur peut immédiatement engager la procédure de licenciement ou de rupture anticipée du CDD pour inaptitude.

Il n’a donc pas à rechercher de reclassement, consulter les délégués du personnel ou informer le salarié de l’échec du reclassement.

Le périmètre de reclassement a été restreint par les ordonnances Macron (entrée en vigueur dès le 24 septembre 2017) :

  • Dorénavant, le périmètre de la recherche de reclassement est limité aux entreprises du groupe situées sur le territoire national. Attention : la jurisprudence de la Cour de Cassation s’est, en outre, récemment assouplie en estimant que l’employeur pouvait tenir compte de la position du salarié inapte pour procéder à son reclassement (arrêts du 23 novembre 2016).
  • Le groupe à prendre en considération est désormais celui constitué entre une entreprise dominante et les entreprises sur lesquelles elle exerce un contrôle une influence dominante (article L2331-1 I du code du travail). On transpose ainsi la jurisprudence existante : le reclassement doit aussi être recherché uniquement dans les entreprises du groupe dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

IV) La rupture du contrat de travail

Excepté le cas de dispense par le médecin du travail, le contrat de travail ne peut être rompu que :

  • En cas d’impossibilité de proposer un emploi répondant aux préconisations du médecin du travail,
  • Ou le refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions.

Le délai d’un mois précité, au terme duquel le versement des salaires doit être repris, est toujours applicable.

Le courrier de licenciement doit être correctement motivé (notamment quant à l’impossibilité de reclassement, ou le refus de l’emploi proposé, ou la dispense de recherche de reclassement).