Droit du travail

Le droit d'alerte et le droit de retrait

Vous pensez que votre lieu de travail est devenu une menace pour votre santé ou même votre vie ?
Mais que devient votre salaire si vous refusez de vous présenter à votre poste sous prétexte d’être en danger ?
Quelle est la situation dans laquelle vous pouvez légitimement penser que votre intégrité physique ou morale est véritablement en danger ?
Quel est le champ d’application de votre droit de retrait et de votre droit d'alerte ?

Le droit d'alerte : c'est quoi ? 

L’article L4131-1 du code du travail précise que « le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation. »

Le droit d’alerte est en réalité un devoir. Le salarié est obligé d’alerter son employeur à partir du moment où il considère que ce qui est en train de se passer peut nuire gravement à sa santé ou même à sa vie. Ce danger peut être externe (machine défectueuse) ou interne (une allergie du salarié à un produit particulier dont il doit se servir pour travailler : Cass,soc. 20 mars 1996)

Exemple : une machine défectueuse qui déverse un produit toxique constitue un danger grave et imminent. Le salarié doit alors alerter son employeur de la situation.

Le code du travail ne précise pas de quelle manière cette alerte doit être donnée mais pour une question de preuve, il est plus apprécié de le faire par écrit. Ce droit d’alerte est intimement lié au droit de retrait comme le précise l’article L4131-1.

C'est quoi le droit de retrait?

A) Une appréciation au cas par cas

Le droit de retrait appartient à tous les salariés.
Cependant, c’est un droit dont vous ne pouvez bénéficier qu’à certaines conditions.
Vous devez avoir une ou plusieurs raisons de penser que votre poste engendre pour votre vie ou votre santé un danger qui est grave et imminent.
Pour savoir si vous avez pu raisonnablement croire cela, on va apprécier la situation au cas par cas.
En fonction de votre poste, de vos connaissances et de vos compétences, vous devez vous demander si la situation que vous êtes en train de vivre au travail est constitutive d’un danger grave et imminent.

B) La notion de danger grave et imminent

Pour apprécier un tel danger, vous allez devoir vous rapporter à votre situation.
Pourtant, un danger grave ne peut être constitué par vos conditions habituelles de travail, aussi pénibles soient-elles.
Votre employeur vous avez prévenu au moment de votre embauche de la pénibilité des tâches que vous alliez devoir effectuer. Pourtant, vous avez accepté le poste.
Le danger doit donc aller plus loin que les risques habituels qui sont nécessairement liés à votre activité, des risques inhérents à votre emploi.


EXEMPLE
Vous êtes maçon et aujourd’hui, vous devez poser à nouveau un plancher tout neuf à Mme Circus.
Cependant, comme cela peut arriver fréquemment, la météo ne joue pas en votre faveur. Dehors, il pleut et le vent ne cesse de souffler.
Pourtant, en tant que maçon, vous êtes souvent amené à travailler dehors.
La pluie et le vent ne sont pas des motifs pouvant transformer votre activité en une situation de danger grave et imminent.
Si vous décidez de ne pas vous présenter à votre poste au motif que vous exercez votre droit de retrait, votre employeur pourra légitimement vous licencier pour avoir refusé d’exécuter votre contrat de travail.


Pas de danger pour votre salaire

Lorsque toutes les conditions pour exercer votre droit de retrait sont réunies, votre employeur ne peut effectuer la moindre retenue sur votre salaire ni même vous sanctionner pour votre refus de vous présenter à votre poste.
En effet, votre droit de retrait, parce que vous êtes menacé par un danger grave et imminent, vous autorise à quitter votre emploi le temps de la persistance de ce danger.
Votre employeur ne pourra en aucun cas vous licencier pour refus d’obéissance ni même vous priver de votre rémunération pendant ces jours d’absence.


EXEMPLE
Vous êtes contrôleur de la SNCF, la semaine dernière, plusieurs de vos collègues se sont fait violemment agresser et les malfaiteurs n’ont toujours pas été interpelés.
Vous décidez légitimement d’exercer votre droit de retrait.
Pourtant la SNCF décide de vous licencier pour ces 2 jours d’absence injustifiés.
Non seulement vous pourrez être indemnisés, mais vous devrez être réintégré à votre poste, ce licenciement étant sans cause réelle et sérieuse.
Tel n’aurait pas été le cas si vous aviez exercé votre droit de retrait alors même que les conditions n’étaient pas réunies : un fait isolé d’agression, la SNCF avait pris des mesures pour renforcer considérablement votre sécurité.


Du droit à l'obligation

Le droit de retrait, comme son nom l’indique est un droit, pas une obligation.
Cette nuance implique que vous n’êtes pas obligé de l’exercer.
Si vous avez conscience que vous risquez un danger grave et imminent sur votre lieu de travail, vous pouvez quand même continuer à effectuer votre activité.
Malgré le risque, vous voulez absolument finir votre travail, vous n’exercez pas votre droit de retrait.
Puisqu’il s’agissait d’un risque important, celui-ci se réalise et vous êtes alors victime d’un accident de travail.
Pour autant, votre employeur ne pourra pas vous sanctionner pour avoir refusé d’exercer votre droit malgré la dangerosité de votre situation.

Cependant, ce droit se transforme en obligation lorsque vous avez conscience du danger auquel vous êtes exposé, mais que vos collègues eux n’en n’ont pas conscience.
Dès lors que vous savez qu’ils sont face à un danger grave et imminent, vous devez en informer immédiatement votre employeur.
Si vous ne le faite pas, et que vous laissez vos collègues dans cette situation d’insécurité dont vous avez conscience, vous pourrez subir une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à votre licenciement.
Vous pouvez jouer avec votre vie, mais pas avec celle des autres.
D’ailleurs, lorsque vous souhaitez exercer votre droit de retrait, vous devez informer votre employeur (et le CHSCT si vous le souhaitez), du risque que vous encourez.
Cela lui permettra de prendre les mesures nécessaires pour y remédier.


Conclusion

Votre droit d’alerte est un droit qui permet de prévenir les accidents de travail.
Votre employeur peut refuser de voir ou ne pas voir les dangers inhabituels auxquels vous pouvez être exposés sur votre lieu de travail. Ce droit permet de l’en avertir. Il ne pourra vous sanctionner pour vous être retiré de votre poste sur ce motif.