Discrimination

Faire face à la discrimination

Comment savoir si l’on est victime de discrimination ? Comment peut-on la dénoncer et la stopper ?

Maitre Abdelrak LASMARI, avocat au Barreau de Paris, a orienté son exercice professionnel dans deux domaines, le droit du travail qu’il pratique depuis 15 ans et le droit de la sécurité sociale depuis 20 ans.
Il considère que ces deux matières, généralement regroupées sous le vocable de droit social, sont complémentaires, ce que l’on peut notamment observer lorsque se posent des problèmes de risques psychosociaux.
Il intervient très régulièrement dans le cadre des formations dispensées par la Commission ouverte de Droit social de l’Ordre des avocats du Barreau de Paris.
Dans cette interview Maitre Lasmari nous apporte son expertise pour nous donner une approche pratique de la discrimination.

Je suis victime de discrimination si…

En droit du travail, la définition de la discrimination est prévue à l’article L. 1132-1 du Code du travail.
Une discrimination est caractérisée lorsque le salarié fait l’objet d’une décision défavorable, fondée sur des critères interdits par la loi.
L’éventail des mesures discriminatoires est large.
Il s’agit par exemple d’être écarté d'une procédure de recrutement, d’une formation, ou encore d’être sanctionné ou licencié.
En revanche, les motifs de discrimination directe sont limitativement énumérés dans le Code du travail.
Il s’agit principalement, du sexe du salarié, de son orientation sexuelle, de son âge, de son état de grossesse, de ses origines, de ses opinions politiques, de ses convictions religieuses, de son lieu de résidence ou encore de son état de santé.

Les discriminations les plus en vogue

L’origine ethnique, l’âge, le sexe et l’orientation sexuelle font partie des discriminations les plus fréquemment rencontrées dans le monde du travail.
Ces critères peuvent se retrouver à différents stades de la relation de travail.
Au stade de l’embauche, les discriminations en raison de l’âge du postulant, de son apparence physique, de son sexe et de ses origines ethniques sont les critères les plus pénalisants.
La discrimination sexuelle persiste bien souvent au cours de l’exécution du contrat de travail et peut se concrétiser par un écart de salaires entre les hommes et les femmes.
Ainsi, selon un sondage réalisé par l’INSEE, en 2010 dans le secteur privé, les femmes ont perçu en moyenne un revenu inférieur de 28 % à celui des hommes.

La première chose à faire lorsque vous êtes victime de discrimination

Il faut le plus rapidement possible acter la discrimination, c’est-à-dire écrire à l’auteur de la discrimination et lui rappeler les faits qui se sont produits.
Puis, il faut tenter de réunir des éléments de preuve, notamment des témoignages.
L’alerte des instances représentatives du personnel et de l’inspection du travail peut se révéler très utile.

Comment stopper la discrimination ?

Le signalement d’une discrimination peut être fait à différentes instances n’appartenant pas nécessairement à l’entreprise.
Ainsi, il est possible de saisir le Défenseur des droits (ex HALDE) qui a notamment pour mission de lutter contre les discriminations.
L’inspection du travail peut aussi être informée. Elle pourra, si elle le juge utile, se faire communiquer par l’employeur tout document ou toute information utile à la constatation d’une discrimination.
En ce qui concerne les acteurs présents au sein de l’entreprise, les représentants du personnel ont un devoir d’alerte lorsqu’ils sont avertis d’une mesure discriminatoire. Ils doivent en informer immédiatement l’employeur qui procède sans délai à une enquête.
Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) a pour mission de veiller à la protection de la santé physique et mentale des salariés. Ils ont donc un rôle à jouer en matière de discrimination.
S’il existe des organisations syndicales au sein de l’entreprise, elles peuvent exercer en justice toute action relative à des agissements discriminatoires.
Enfin, le salarié peut directement informer son employeur ou son représentant, par lettre recommandée avec accusé de réception.
Lorsqu’un salarié signale une discrimination, il bénéficie d’une protection instituée par le Code du travail.
Le salarié ne pourra pas être sanctionné, ni licencié, à peine de nullité de la décision.

Qui doit prouver quoi ?

En principe, il incombe à la personne qui allègue d’une chose de la prouver. La situation est différente lorsqu’un salarié soutient qu’il a été victime d’une discrimination. Dans ce cas, les règles probatoires sont favorables au salarié. Il doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.
Face aux éléments apportés par le salarié, c’est à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.
En pratique, bien que la charge de la preuve ne pèse pas sur le salarié, il lui appartient donc tout de même de recueillir des commencements de preuve.

Sanctionner la discrimination

La discrimination est sanctionnée sur le plan prud’homal et pénal.
Au niveau prud’homal, le salarié bénéficiera de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.
Au niveau pénal, l’auteur d'une discrimination encourt des peines pouvant aller jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.

Que penser de la discrimination positive ?

Dans notre modèle républicain méritocratique, la discrimination positive est considérée de manière assez négative.
Un sondage BVA réalisé au mois de février 2014 révèle que 67% de la population française considère que la discrimination positive « ne serait pas une bonne chose ».
Lorsque la méritocratie est imparfaite, il est possible de s’interroger sur l’opportunité de la discrimination positive.
Les acteurs publics ont institué une discrimination positive dans certains cas : depuis 2001, l'Institut d'études politiques de Paris (Science Po) accueille sur dossier ­ et non sur concours ­ certains bacheliers venus de lycées situés en zone d'éducation prioritaire ou en zone « sensible ».
La discrimination positive existe également en droit du travail.
Le Code du travail impose ainsi aux entreprises de 20 salariés et plus d’avoir un quota de 6% de travailleurs handicapés.

La discrimination : en continuelle croissance

Les litiges prud’homaux à l’origine desquels se trouve une pratique discriminatoire occupent une place de plus en plus importante au sein de notre cabinet.
Nous nous occupons de dossiers extrêmement variés qui ont trait aussi bien à de la discrimination syndicale (stagnation de carrière, entrave à l’exercice des fonctions syndicales) que de la discrimination en raison du sexe, de l’âge ou des origines ethniques.

De la discrimination au harcèlement

Lorsqu’un problème de discrimination apparaît, il est fréquemment accompagné d’un harcèlement moral.
Cette pratique, sanctionnée par le Code du travail, est caractérisée par des agissements répétés entrainant une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est souvent utilisé par l’employeur comme un palliatif d’une procédure de licenciement. Par des manœuvres illégales, le salarié harcelé est poussé à la démission.
Notre cabinet, spécialisé en droit social, est également en mesure de vous apporter une solution dans ce type de litige.

Questions juridiques