Avocat en droit du travail, pourquoi est-il indispensable ?

Pourquoi et quand choisir un avocat en droit du travail ?

De nombreux salariés renoncent à recourir à l'aide d'un Conseil, en se disant certainement que cela n'est pas à leur portée ou qu'ils n'en auront pas besoin. Pourtant, la judiciarisation et la complexité du droit du travail nécessite un conseil de confiance. Pour discuter du rôle de l'avocat en droit du travail, nous avons interrogé Maître Allison Parente.

Maître Allison Parente est avocate et inscrite au Barreau de Grenoble. Elle a obtenu une Maîtrise « Droit des affaires - Propriété intellectuelle et nouvelles technologies » avant d’intégrer l’Ecole Des Avocats Rhône-Alpes dont elle a été diplômée en 2016.

Maître Allison Parente exerce une activité généraliste avec deux dominantes : le droit du travail et le droit de la protection sociale.

Au-delà de cette activité principale, elle intervient également dans le cadre de problématiques liées au droit de la famille et plus largement dans tout le contentieux civil.

I) La rupture du contrat de travail est-elle un contentieux important et pourquoi selon vous ?

La rupture du contrat de travail est effectivement source de nombreux litiges.

Cela s’explique surtout par la constante évolution du droit du travail, inhérente aux différents gouvernements qui se succèdent et à la multiplication des dialogues sociaux qui génèrent ainsi de nombreuses réformes. Des modifications législatives abondantes en découlent.

C’est pourquoi il est particulièrement délicat pour les employeurs, et notamment pour les TPE et PME ne bénéficiant pas des services d’un juriste d’entreprise, d’appliquer l’ensemble des règles légales et conventionnelles qui s’imposent à eux. Des litiges peuvent alors survenir entre un salarié et son employeur lorsque les normes encadrant la rupture du contrat de travail n’ont pas été respectées.

II) Faut-il attendre qu’il y ait un conflit pour recourir à un avocat dans une rupture du contrat de travail (rupture conventionnelle, démission) ?

Recourir aux services d’un avocat préalablement à tout conflit permet justement d’éviter une éventuelle procédure contentieuse ultérieure. En effet, il ne faut pas oublier que la mission première de l’avocat est une mission de conseil.

Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, la consultation d’un avocat s’avèrera intéressante pour s’assurer du bon déroulé de la procédure et parvenir ainsi à un accord juste entre les parties.

A ce titre, le recours à un avocat  par le salarié prend par exemple toute son importance dans la vérification du respect des délais imposés et du calcul de l’indemnité spécifique de rupture à laquelle il peut prétendre. Il arrive en effet que le salarié soit lésé dans la négociation d’une part, des conditions de son départ, et d’autre part, du montant de l’indemnité de rupture, notamment si la rupture est à l’initiative de l’employeur.

Par ailleurs, si la rupture conventionnelle est contestée, et par la suite invalidée, elle s'apparente alors à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. D'où l'intérêt pour l’employeur également d'être bien conseillé en amont.

Un salarié qui démissionne peut également s’interroger quant à ses droits et obligations, un avocat saura lui prodiguer de judicieux conseils sur les démarches à suivre.

Le cas le plus fréquent est celui du salarié qui se retrouve dans une posture délicate car son nouvel emploi débute avant la fin de son préavis.

Dans cette situation, démissionner sans préavis reste possible mais il faudra solliciter l'autorisation de l’employeur afin de se voir octroyer une dispense d’exécution du préavis ou, à tout le moins, une réduction de ce préavis.  Il faut savoir que cela aura néanmoins des conséquences sur l'indemnisation qui sera versée au salarié lors de la rupture du contrat.

III) En cas de licenciement, à quel moment un salarié doit-il contacter un avocat ?

Le recours à un avocat s’avère souvent utile avant même que la notification du licenciement soit intervenue, c’est-à-dire aussitôt que le salarié reçoit sa convocation à l'entretien préalable.

En effet, l’avocat veillera au respect de la procédure de licenciement par l’employeur, mais s’assurera également du bien-fondé du motif de licenciement invoqué par ce dernier.

Dans l’hypothèse où la procédure est contestable, le rôle de l’avocat se révélera indispensable dans la négociation d’un arrangement amiable ou d’une solution transactionnelle permettant au salarié d'obtenir des conditions de départ plus favorables que dans le cadre d'un licenciement, tout en évitant une procédure prud’homale.

IV) D’après votre expérience, quelles sont ces situations où les salariés ne recourent pas à un avocat, alors qu’il y aurait tout intérêt ?

La représentation par avocat n’est pas obligatoire devant le Conseil de Prud’hommes, de sorte que lorsqu’il fait face à une situation qu’il ne juge pas particulièrement complexe d’un point de vue juridique, le salarié pourra être tenté de vouloir s’économiser les services d’un avocat.

Or, une procédure prud'homale implique une connaissance précise des règles légales, conventionnelles, et jurisprudentielles particulièrement techniques, que ne possèdent pas, et cela est tout à fait légitime, les personnes non formées au droit.
Prenons le cas d’un salarié à temps partiel qui solliciterait la résiliation judiciaire de son contrat de travail devant la juridiction prud’homale car son employeur ne lui paye pas ses heures complémentaires.

Il est fort probable que ce salarié, n’ayant pas été conseillé par un avocat en amont, sollicite seulement la condamnation de l’employeur à lui verser l’indemnisation de ces heures complémentaires.

Or dans un tel cas, l’entreprise peut également être condamnée au versement d’une indemnité pour travail dissimulé égale à 6 mois de salaire.
De plus, si les heures complémentaires ont porté la durée de travail au niveau de la durée légale d’un temps complet, cette irrégularité entraîne la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet.

Dans le cadre de cette requalification, l’employeur se verra condamné au paiement de rappel de salaires et de congés payés sur la base d’un temps plein, ce qui peut représenter des sommes conséquentes.

En outre, la résiliation judiciaire produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences indemnitaires qui s’y attachent : versement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont les montants sont évalués en fonction de l'ancienneté du salarié et de l'effectif de l'entreprise, versement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité de licenciement si l'ancienneté du salarié est supérieure à huit mois.

On remarque alors bien souvent que les salariés qui ne jugent pas utile de se faire représenter par un avocat pour de telles procédures formulent ainsi des demandes financières trèsinférieures à celles auxquelles ils pourraient légitimement prétendre.
Dans bon nombre de situations il est donc vivement recommandé au salarié de recourir à un avocat malgré le coût de son intervention.

V) Le rôle d’un avocat peut-il être de négocier pour le salarié, comme dans le cas d’une rupture conventionnelle, par exemple ?

L'adage dit qu'un mauvais arrangement vaut toujours mieux qu'un bon procès. Cela renvoie inéluctablement à la capacité de l’avocat à négocier pour son client.
La négociation en droit du travail est un procédé qui consiste pour le salarié et son employeur, confrontés à un  désaccord,  à  rechercher mutuellement à débloquer une situation par le biais d’une solution amiable qui leur permette d’éviter une procédure contentieuse, celle-ci s’avérant coûteuse et particulièrement éprouvante pour chacun d’eux.

Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, l’avocat du salarié sera amené à négocier afin, d’une part, de veiller à ce que soient préservés les intérêts de son client et, d’autre part, d’en tirer le maximum d’avantage pour ce dernier.
Le rôle de l’avocat négociateur sera de favoriser la recherche d'un accord en négociant notamment le montant de l’indemnité de rupture et en évitant tout déséquilibre manifeste dans les concessions réciproques.

L’avocat du salarié  tiendra évidemment compte du "risque prud'homal", c’est-à-dire le montant maximum auquel pourrait être condamné l’employeur en cas de condamnation devant le conseil de prud'hommes.
Au-delà du cadre juridique, l’avocat sera un meilleur négociateur en ce qu’il est détaché émotionnellement du litige, contrairement au salarié.

VI) Certains salariés évoquent régulièrement le coût que le recours à un avocat représente, quelles solutions existent ? Si un salarié « gagne » devant le Conseil des Prudhommes, son avocat sera-t-il rémunéré par la partie adverse ?

Il est intéressant pour le salarié de vérifier s’il dispose d'une garantie protection juridique attachée à l'un de ses contrats d'assurance. Si tel est le cas, les honoraires de l’avocat seront alors, en tout ou partie, pris en charge par l’assureur, dans la limite prévue au contrat d'assurance.

Le salarié percevant de faibles revenus doit également examiner s’il est en droit de bénéficier de l’aide juridictionnelle.
Cette aide juridictionnelle consiste en la prise en charge partielle ou totale par l'Etat des honoraires et des frais de justice. Elle peut être de 25%, 55% ou 100%.
Toutefois, les seuils permettant d’en bénéficier sont assez peu élevés.

A titre d'exemple, un individu seul et sans personne à charge ne doit pas avoir un revenu mensuel supérieur à1017 euros par mois pour une prise en charge à 100%. Pour un couple avec deux enfants, le seuil est de 1383 euros par mois.

Par ailleurs, l'article 700 du code de procédure civile permet au Conseil de Prud’hommes saisi d'une instance de condamner la partie perdante, au profit de l'autre, à une somme d'argent destinée à couvrir l'ensemble des frais non compris dans les dépens.
Les frais visés ici et non compris dans les dépens sont traditionnellement les honoraires d’avocat, mais aussi le cas échéant des frais de déplacement, d’hébergement, de correspondances etc.

Il faut que la demande ait été expressément formulée devant le Conseil de Prud’hommes.
En pratique, un salarié obtenant gain de cause devant le Conseil de Prud’hommes est très souvent indemnisé au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile alors qu’à l’inverse, il est assez rare qu’un employeur le soit.
En effet, pour décider d'accorder ou pas le bénéfice de l'article 700, le juge tient compte de l'équité et de la situation économique de la partie condamnée et il peut même d’office dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Un salarié sera condamné à indemniser son employeur seulement dans les cas où la procédure est considérée comme injustifiée.