Droit du travail

Drogues et alcool au travail : ne prenez aucun risque !

Quels risques si vous vous rendez ivre à votre travail ou que vous exécutez ce dernier après avoir consommé une drogue ? Votre employeur peut-il vous contrôler s’il a des doutes ? Quelles sanctions encourrez-vous ? Nous vous expliquons dans cette fiche la loi applicable concernant la réalisation de vos tâches sous l’emprise de stupéfiants ou en état alcoolisé.

1) L’obligation de santé et de sécurité de l’employeur

Si l'alcool est un problème qui n'est pas nouveau au niveau du travail, le fait que la consommation de stupéfiants chez les salariés ne cesse d’augmenter est tout aussi préoccupant. Pour vous donner quelques chiffres, la France compte actuellement environ 1,2 million d'usagers de cannabis, dont 550 000 consommateurs quotidiens, et 250 000 consommateurs de cocaïne selon un avis rendu par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE).

Comme vous le savez certainement, tout employeur a l'obligation d’assurer la santé et la sécurité de ses employés sur le lieu de travail. Il doit cependant aussi respecter les libertés individuelles de ces derniers. C’est peut-être pourquoi la mise en place de contrôles sur le lieu de travail n’est pas une solution si évidente. Il est ainsi admis depuis plusieurs décennies que si le chef d’entreprise dispose de pouvoirs pour assurer l’hygiène et la sécurité sur les lieux de travail, il ne peut cependant apporter aux droits de ses salariés que des restrictions qui seraient nécessaires pour atteindre cet objectif d’hygiène et de sécurité.

La loi prévoit ainsi que :

"L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :

  • Des actions de prévention des risques professionnels ;
  • Des actions d'information et de formation ;
  • La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes"

2) Le contrôle de l’alcoolémie au travail

C’est dans cette logique que dès 1980 il était admis que la direction d’une entreprise puisse soumettre les salariés chargés de l’exécution de certains travaux ou de la conduite de certaines machines à des tests d'alcoolémie. Depuis 2002, il est possible que le règlement intérieur d’une entreprise autorise le contrôle de l’état d’ébriété d’un salarié au moyen d’un contrôle d’alcoolémie. A condition, cependant, que le salarié puisse contester ce contrôle (en demandant une contre-expertise ou un second test) et que seuls soient concernés les employés qui, en raison de la nature de leur travail, mettraient en danger des biens ou personnes s’ils devaient réaliser leurs tâches en état d’ébriété. Ainsi, le recours à l’éthylotest ne peut être généralisé à tous les salariés de l’entreprise, sans distinction. Un contrôle illicite ne peut servir de justification pour sanctionner un salarié, même s’il s’avère que ce dernier est bel et bien en état d’ébriété.

3) Le dépistage des drogues au travail

Après avoir autorisé, sous conditions, le contrôle de l’alcoolémie des salariés sur leur lieu de travail, le problème s’est déplacé sur la consommation de stupéfiants. Le dépistage de la drogue, contrairement à un simple éthylotest, implique un prélèvement (urine ou salive) sur la personne du travailleur. Ce qui en soi peut constituer une atteinte à l’intégrité du corps humain, mais aussi à la vie. Néanmoins, un test salivaire s’est pas si éloigné d’un test d’alcoolémie. Considérant cela ainsi que la forte progression, ces dernières années, de l’usage de stupéfiants, est certainement logique que le Conseil d’Etat ait fini par valider, dans une décision du 5 décembre 2016, l’usage de test salivaire de dépistage de la drogue par l’employeur.

Se pose alors la question d’un dépistage positif en raison de drogues consommées par le salarié dans le cadre de sa vie personnelle. Il est ainsi considéré que les actes relevant de la vie personnelle du salarié peuvent être sanctionnés lorsqu’ils constituent un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail.

4) Un contrôle par l’inspection du travail

Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe notamment les mesures d'application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement. A ce titre il peut donc y inscrire des mesures de contrôle de l’état du salarié par éthylotest ou dépistage. Pour rappel, le règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises de 20 salariés et plus. Une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est expressément prévue par le règlement intérieur, notamment quant à ses modalités.

Comme vu précédemment, les modalités d’exécution de ces contrôles sont soumises à des conditions. La loi prévoyant d’ailleurs qu’un règlement intérieur ne peut contenir de dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. A défaut, les mentions dans le règlement intérieur seront considérées comme contraire à la loi. L’inspecteur du travail pourra alors à tout moment en exiger le retrait ou la modification.

5) Les sanctions

Le règlement intérieur peut prévoir qu’un salarié dont il apparaîtrait qu’il serait ivre ou sous l’effet de stupéfiants durant son travail pourra faire l’objet de diverses sanctions disciplinaires. Il peut s’agir d’un simple avertissement ou blâme, d’une mise à pied, d’une mutation, d’une rétrogradation ou encore d’un licenciement pour faute simple, grave ou lourde. La sanction choisie devra être proportionnelle à la faute commise. Un employé de bureau ayant consommé des stupéfiants aura commis une faute moins grave qu’un chauffeur de poids lourd ayant fait de même par exemple. Ce dernier aurait un comportement particulièrement irresponsable alors que la conduite de son engin nécessite une attention particulière.

N’oubliez pas que si votre employeur est tenu d’une obligation de santé et de sécurité envers ses employés, chacun de ces derniers est tenu d’une obligation équivalente envers ses collègues. Ainsi, la loi dispose que conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. Un salarié peut être sanctionné disciplinairement, indifféremment de la survenance d’un dommage ou non. Enfin, si un salarié qui manque à son obligation de santé et de sécurité blesse ou tue accidentellement quelqu’un, il s’exposera à des poursuites pénales.


Conclusion :

C’est la pause du midi, vous buvez un verre de trop parce qu’il fait beau et que vous vous marrez bien avec vos collègues, ou peut-être décidez-vous qu’un peu de cannabis vous aidera à vous détendre pour affronter l’après-midi de travail qui vous attend. Mais est-ce bien raisonnable ? Si votre hiérarchie s’aperçoit que vous n’êtes pas dans un état normal, elle pourra en effet, sous certaines conditions, vous faire passer un coup d’éthylotest ou de dépistage. S’il apparait que vous avez consommé de l’alcool avec excès ou de la drogue, vous pourrez alors faire l’objet de sanctions disciplinaires allant du simple blâme au licenciement. Si vous blessez ou tuez par ailleurs quelqu’un du fait de votre état, vous serez passible de poursuites pénales.